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Le Grand ménage du tueur à gages
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Jean-Christophe Salaün
Paris : Presses de la Cité, octobre 2014
312 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-258-10034-3
Fantasia chez les Islandais
Il faut beaucoup de bonne volonté pour qualifier ce livre de roman policier (il aurait plutôt, à certains moments, l'air d'un roman d'amour loufoque). Non qu'on ne prenne plaisir à sa lecture, ce serait plutôt le contraire. Mais il n'a rien à voir avec la découverte ingénieuse d'un coupable retors au point de se faire aussi invisible qu'une aiguille dans un tas de foin (ou que l'auteur l'y ait soigneusement dissimulé). Ce coupable-là affiche franchement la couleur et revendique fièrement ses soixante-sept meurtres (aux erreurs d'expérience près, comme on dit). Question d'honneur professionnel, quand on est tueur à gages. Comme dans toute profession libérale, il faut faire connaître ses mérites, si l'on veut attirer le chaland. Notre héros, qui répond (entre autres) au nom de Tom Boksic (là encore, la quantité est une sorte de nécessité de métier), et que nous appellerons Toxic pour plus de simplicité puisqu'il nous y invite lui-même, va se retrouver par le plus grand des hasards – il s'est un peu trompé de victime dans des toilettes new-yorkaises, mais qui n'a jamais commis d'erreur dans l'exercice de ses fonctions, je vous le demande un peu ? – dans le costume d'un pasteur américain (Father Friendly) et à bord d'un avion en partance pour... l'Islande (vous imaginez si un Croate d'origine comme lui savait ne fût-ce qu'où cela se trouve) où on l'attend pour un rôle de composition défiant pour lui l'entendement : des émissions de télévangélisme. Ce qu'il ne faut pas faire pour gagner sa chienne de vie. Bon, la suite n'est pas à conseiller aux amateurs d'intrigues tordues à souhait et de "Bon sang mais c'est bien sûr !" De toute façon, personne ne tue jamais personne, c'est bien connu (hum) dans ce pays qui n'a même pas d'armée. En revanche, les amateurs de franche rigolade (fût-elle parfois légèrement colorée de jaune ou de noir) en auront pour leur argent avec cette variante de Fantasia chez les ploucs (du Nord). Dans quelle galère s'est-il fourré, notre Toxic ? Je vous laisse le découvrir. De toute façon, on ne peut résumer, ni même raconter un livre pareil, qui accumule les épisodes cocasses. Et, au bout de cinquante pages, sinon avant, le lecteur a perdu tout intérêt pour l'intrigue et se concentre sur la façon dont l'auteur nous rapporte les aventures de son personnage. Il faut dire qu'il a la plume bien pendue (puisque le récit est à la première personne, on peut le confondre avec celui qui nous a déjà divertis avec La Femme à 1000°, chez le même éditeur). Elle en prend pour son grade, la "Terre de glace et de feu". Les titres de chapitre feraient presque pâlir d'envie San-Antonio (exemple entre trente-cinq : Les Dieux font la paire) et les noms à coucher dehors de ses citoyens, de même : Gunnhildur devient ainsi "Gun-ile-dur", Guðmundur "God-mon-dur" et tutti quanti. Avouez que c'est plus simple ainsi. Le traducteur a dû bien s'amuser (pour une fois, avec un soi-disant polar), même si ses méninges ont été mises à rude épreuve. Chapeau l(es) artiste(s) ! Et merci pour ce beau moment de littérature... parodico-islandico-française. Un peu d'air frais dans un monde de brutes, ça ne fait pas de mal, non ?
À déguster sans modération.
NdR - Au regard de la citation-affirmation choisie, la question mériterait d'être posée à "Arna-le-dur" Indridason, à Árni "Torar-i'ne-sonne" et autres).
Citation
Être auteur de polar au pays du non-crime ne doit pas être chose aisée.