Contenu
En avant la moujik !
Poche
Réédition
Tout public
248 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-266-25027-6
Coll. "San-Antonio", 72
Steppe by steppe
Connaissez-vous la bactérie végétalo-foisonnante ? Non ? Et pour cause. Cette découverte permettra – dixit le chef de San-Antonio – de rendre le Sahara aussi fertile que la Beauce. Premier hic, son co-inventeur, le professeur Poreux de la Coiffe est inopportunément défunté, et seul son homologue russe, le professeur Boris Bofstrogonoff, en détient désormais la formule. Deuxième hic, nous sommes en pleine guerre froide, et il semble impossible que le savant soviétique accepte de livrer la formule à l'Ouest. Il faut donc, pour éviter de rejouer la bataille de Stalingrad, se livrer à une mission d'infiltration. Et pour ce faire, les autorités françaises ne trouvent rien de mieux que d'organiser la rencontre, puis le mariage, entre San-Antonio et Natacha Bofstrogonoff, la fille du chercheur, une gosse dondon aussi appétissante qu'une poupée gigogne. En espérant que le commissaire arrivera plus facilement à extorquer la formule à son tout frais beau-père. Troisième hic : tout le monde, sans exception, semble au courant de ce plan tiré par les poils de la chapka ! Les autorités russes, les occidentales, ainsi qu'une troisième organisation un poil occulte. Secret de Polichinelle, donc, mais malgré tout, l'opération est maintenue, au grand désarroi du commissaire.
Pour les hics suivants, je vous fais un prix de gros : détournement d'avion, kidnapping, base secrète perdue dans un Alaska de pacotille, tentative d'évasion en plein blizzard, morts qui ressuscitent par centaines, bref, un grand fourre-tout parodique des romans d'espionnage alors en vogue dans ces années de diplomatie gelée.
Alors certes, ça n'est pas du John Le Carré. Est-ce pour cela que ce San-A tourne un peu en rond ? On est quand même plus proche de Bibi Fricotin chez les Soviets que de Limonov. Si Frédéric Dard, en toute franchise et toute ostentation, se moque des poncifs du genre, multiplie les invraisemblances et les coups de théâtre second degré et ne se prend pas une seule seconde au sérieux, l'accumulation de fausses pistes et d'impasse est parfois un poil too much. D'autant qu'on aurait pu imaginer un Bérurier en Raspoutine pour quelques scènes d'anthologie, mais à part un passage dans un claque aussi souterrain qu'improbable, le Gros nous paraît un chouïa falot dans cette soixante-douzième aventure du commissaire. Un manque allié à une désinvolture à ce point affichée qu'elle pourrait être à double tranchant. Preuve en est que l'auteur lui-même semble prendre son intrigue par-dessus la jambe : cette fameuse bactérie végétalo-foisonnante, annoncée au début du livre comme un engrais miracle, se transforme inexplicablement à la fin de l'histoire en une décoction fumigatoire permettant de donner l'apparence de la mort aux sujets la respirant, puis de les ramener à la vie. Oublié donc, l'engrais miracle présenté au début du livre, sans que ça gêne personne !
Un San-Antonio qui a au moins le mérite de présenter les avantages et les limites du genre du roman parodique.
Citation
Un qui ne sait trop ce qu'il faut penser de ce feuilleton à la mords-moi-le-neurovégétatif, c'est votre San-Antonio bien-aimé [...] Quel salmigondis !