Contenu
Grand format
Réédition
Tout public
Paris : Doriane Films, septembre 2013
19 x 14 cm
Coll. "Typiquement British"
Course contre la mort
1957. Joseph Losey alors en "exil" en Grande-Bretagne (il est victime à Hollywood de la chasse aux sorcières menée par le sénateur McCarthy) signe un violent manifeste contre la peine de mort, en noir et blanc, avec pour principal protagoniste Michael Redgrave (qu'il retrouvera en 1971 pour Le Messager, Palme d'or à Cannes). Le comédien interprète un écrivain alcoolique au sortir d'une cure de désintoxication, qui débarque à Londres vingt-quatre heures avant la pendaison de son fils. Ce dernier aurait tué son amante qui se dérobait dans un accès de fureur amplifié par l'alcool. Tous les indices tendent à prouver sa culpabilité et lui-même ne s'est pas défendu. Son avocat payé par les Stanford (chez qui a été commis le crime nocturne) veut bien intervenir auprès du ministre de la justice si tant est que le père trouve un indice tangible... Outre le thème sociétal manifeste, le réalisateur aborde les relations père-fils détruites par le divorce, la légère manipulation d'un père devant l'adoration d'un fils, les sentiments refoulés, la persistance d'une faute initiale, les non-dits et les tromperies sous les toits bourgeois. Il est sans pitié pour les vies de façade, critique vis-à-vis de la justice et du journalisme, et éclaire son propos d'un puissant noir et blanc dans lequel on découvre un immense jeu de miroirs (comme en écho à la situation présente), d'ombres et de barreaux. Mais par dessus tout le message est : les coupables aussi ont des parents, ne les détruisons pas plus qu'ils ne le sont déjà.
L'intrigue trépidante amplifiée par un compte à rebours incessant est digne d'un film d'Alfred Hitchcock. Le réveil, symbole du temps qui passe, est porté en abyme dans un appartement où une femme alcoolique vit au rythme des tic-tac et autres sonneries cacophoniques et discordantes. Les personnages sont muets d'effroi devant Stanford, un homme tyrannique et solitaire, qui s'est fait tout seul, qui a amassé une fortune dans l'automobile, qui a une femme qui ne l'aime pas et une secrétaire qui semble être sa maîtresse attitrée. Il a adopté le fils d'un couple d'ouvriers de son usine, décédés tragiquement. Chacun souhaite le voir payer à sa manière même si cela passe par la mort d'un innocent. Le jeu de Michael Redgrave est propre, à l'opposé de ce qu'est sont personnage : un alcoolique confus, écrivain raté, qui a plus vite fait d'abandonner que d'affronter, hanté par la certitude qu'un détail lui échappe. Plus il avance dans son enquête, plus il boit, et moins il est crédible. Seule la fin n'est pas à la hauteur du reste du film. Elle est peu convaincante, à la limite d'être bâclée au regard de la puissance du film et de ce qu'il dénonce avec talent, même si elle offre un message de rédemption et de sacrifice.
Temps sans pitié (88 min.) : réalisé par Joseph Losey sur un scénario de Ben Barzman d'après la pièce d'Emlyn Williams Someone Waiting. Avec : Michael Redgrave, Alec McGowen, Leo McKern, Ann Todd, Paul Daneman, Peter Cushing...
Bonus. Booklet Time Without Pity (12 p.), de Philippe Pilard.
Citation
Il faut que les gens sentent toute l'horreur de cette société qui réclame une vie humaine. Tout est si bien calculé. La pesée du condamné. La vérification de la corde. Cela se passera cette nuit même. C'est si commode. Le condamné n'aura qu'un pas à faire.