Contenu
Adieu ma jolie
Grand format
Réédition
Tout public
Farewell, My Lovely - 1975
François Guérif (présentation)
Paris : Filmedia, mars 2015
19 x 14 cm
Stupeur et trahisons
En 1975, le très méconnu réalisateur américain Dick Richards s'attaque à l'adaptation d'un monstre de la littérature noire, Adieu ma jolie, autrement dit l'une des plus abouties des intrigues de Raymond Chandler. Pour endosser le rôle du détective privé Philip Marlowe, Robert Mitchum dont l'aura, la carrure, la prestance et la voix font oublier un grand âge (et encore, on le retrouvera trois ans plus tard dans Le Grand sommeil, de Michael Winner, ayant ce coup-ci dépassé la soixantaine !). Mais pour l'heure, l'acteur fait impression dans cette intrigue très linéaire aux rebondissements marqués par des coups sur la calebasse, des morts sur le chemin qui conduit vers la vérité, des trahisons et des incompréhensions.
Résumons les faits : Philip Marlowe est engagé par un colosse aussi épais que sa cervelle semble réduite, une espèce de mastodonte qui sort de prison après avoir purgé une peine de sept ans pour un braquage. Cette force de la nature handicapée intellectuellement, c'est Moose Malloy, amoureux transi de la chanteuse de charme (une pute, quoi !) autrefois sa petite amie Velma Valento. C'est surtout bientôt Non - autrement dit Jack O'Halloran, qui après avoir joué dans King Kong se retrouvera dans Superman et Superman 2 ! Et Moose charge Philip Marlowe de retrouver Velma "McGuffin" Valento. Mais à mesure que le détective semble recoller les morceaux de son enquête, d'autres clients viennent le voir avec des motifs plus ou moins clairs, et Marlowe se retrouve accusé d'un double-meurtre.
Le film noir déroule toute la palette chandlérienne avec beaucoup de maîtrise et d'ingéniosité avec un long flashback qui permet de mettre en valeur la voix de Mitchum et les actions de Marlowe. L'action se passe en 1941 et plonge Robert Mitchum dans un Los Angeles interlope à la rencontre des différents gangs de la ville - blancs, nègres et chinois (à part la couleur de leur peau, leurs costumes et leurs actions ne les différencie absolument pas, ils ont la même morgue au nez). Et puis il traverse la frontière très poreuse entre grand banditisme, justice et politique. Tout le gratin y passe, voire y trépasse. Il y a du whisky, de la drogue, du jeu et du sexe (certes avec volupté). Surtout il y a des personnages étonnants comme cette tenancière de bordel, impressionnante, aussi large de corps qu'étroite d'esprit et qui délivre à Mitchum des torgnoles dignes de Hulk (aidé en cela par un Sylvester Stallone dont le rôle ne lui permet pas de dégoiser le moindre son).
L'intrigue trouve sa résolution derrière une personne qui a abandonné son passé et qui a refait sa vie dans la haute société lors d'un final empreint de nostalgie et de fatalisme. Un revirement classique bien aidé par un méchant benêt et surtout quatre-vingt mille dollars. Charlotte Rampling est éclatante de beauté froide et de manipulation tout aussi froide. Mais ce qui détonne, c'est comment Dick Richards a fait sien l'univers chandlérien : décors à la Hooper, costumes sur mesure, journaux d'époque, jeu du chat et de la souris avec une flicaille mi-honnête, mi-gangrenée. L'esthétique très réussie du film sur fond jazzy noctambule est au diapason du talent de Mitchum ; et les seconds rôles sont très justes. Ou comment tout bien comprendre et surtout réussir...
Adieu ma jolie (91 min.) : réalisé par Dick Richards sur un scénario de David Zelag Goodman, d'après un roman de Raymond Chandler. Avec : Robert Mitchum, John Ireland, Charlotte Rampling, Sylvia Miles, Anthony Zebe, Sylvester Stallone...
Bonus. Interview de François Guérif.
Citation
Depuis King Kong, j'aime bien les gorilles amoureux d'une femme.