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Le tueur sur la route
Voici un nouveau roman de Henri Weigel et on observe toujours sa marque de fabrique : c'est un roman mais qui est construit, autant d'un point de vue de l'intrigue que du style, comme un documentaire ou comme des faits racontés par un entomologiste. Mais l'auteur se garde bien de tout jugement de valeur sur les actions de ses personnages. Ici, il trace l'itinéraire de celui qui semble-t-il a été l'un des premiers tueurs en série français - Abel, un jeune homme, découvre l'amour mais son initiatrice le provoque et il la tue, découvrant ainsi une volupté inconnue. Ainsi commence en 1943 la carrière prolifique d'un homme qui peut facilement se cacher des autres en entrant dans la Résistance. Puis il entame une brillante carrière militaire qui lui vaudra la reconnaissance de ses pairs. Sa rencontre avec une brillante avocate va le lancer dans une deuxième étape proche de celle que nous connaîtrons sous le nom des "Tueurs de la lune de miel" : un couple maudit, dont chacun va utiliser l'autre pour assouvir ses propres pulsions. À ce jeu, la nouvelle arrivante va concurrencer le maître. Jeux sexuels et mortels, tentative de cacher leurs crimes, les amants diaboliques sont rattrapés par les traces que laissent leurs forfaits. Ils fuiront mais peut-on réellement fuir son destin ?
En dehors de son intrigue, l'intérêt du roman réside dans les décors spatiaux et temporels qu'il plante. On peut dire que l'on navigue entre le sud de la France et un peu en Italie et surtout le romancier nous emmène dans une évocation de l'Algérie coloniale qui n'est pas un décor très prisé de la littérature française. Si le début du roman se situe dans le basculement entre la fin du pétainisme et celle de la guerre, il s'ancre surtout dans la IVe République, une période elle aussi un peu négligée. En filigrane de son histoire, Henri Weigel évoque la montée en puissance des femmes, les sports d'hiver, les carrières dans la fonction publique comme promotion sociale, le rôle des colonies. Mais il y a également un côté film des années 1950 dans ce récit qui présente deux personnages qui pourraient avoir une carrière fulgurante et qui préfèrent céder à leur destin, un destin qui d'ailleurs se révélera tragique, poisseux comme dans les romans d'André Héléna de l'époque. Il y a des moments où le hasard pourrait sauver les personnages, voire leur offrir une rédemption, mais cela semble impossible, comme si la ligne de mort qu'il avait tracé, un peu par hasard, au début de sa carrière, entraînait inexorablement Abel vers sa fin.
Citation
Sabine lui retient le bras gauche et s'appuie sur sa jambe valide. Le lit chahute en tous sens et grince avec un bruit de vieille guimbarde.