Contenu
Violeurs d'anges
Poche
Inédit
Tout public
Infortunes de la vertu, prospérités du vice
"On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments." La formule d'André Gide reste toujours autant d'actualité. Le point de départ de ce roman de Serge Guéguen est sordide et simple : une jeune fille a été violée. Seul indice pour cette intrigue : un tatouage sur le corps de son violeur. Quinze ans ont passé et un détour par les urgences permet de retrouver le tatouage. Du coup, la jeune femme, son mari et son frère décident de faire justice eux-mêmes. Ils seront obligés de faire appel à la police rapidement car l'affaire se révèle plus compliquée que prévu. Mais ils iront quand même au bout de leur vengeance.
Par delà l'histoire, le récit de Serge Guéguen pose de multiples questions quant à sa propre morale. L'auteur accumule et empile : les pédophiles de son roman sont aussi dangereux pour leur famille, se filment et prennent des photos pour pouvoir échanger sur Internet et se faire un peu d'argent, sont en cheville avec des petits dealers et profitent de séjours à l'étranger pour tourner des snuff movies où l'un d'entre eux côtoie et sauve de la mort une avocate spécialisée dans le grand banditisme. Comme cela ne suffit pas, le violeur au tatouage, camionneur, est l'objet d'un chantage et transporte des missiles pour le compte de terroristes qui veulent faire exploser un avion à l'atterrissage... Et tout ça sans oublier que sa nouvelle épouse (il abuse de ses filles) est une Asiatique liée au grand patron des triades. Cela fait beaucoup et à force de charger la barque, on la coule. Autre problème et beaucoup plus moral, le récit contient plusieurs descriptions de scènes violentes ou pornographiques. Sans s'ériger en père la vertu, ces descriptions ressemblent beaucoup à celles que l'on trouve dans les "SAS". Elles sont écrites sans distance ni pudeur et, au lieu de tenir à l'écart le lecteur, elles le rendent voyeur de ces crimes (le camionneur en pleine Yougoslavie se met à égorger un enfant qui vient de subir des tortures qui auraient eu leur place dans un roman pseudo sadien), sont racontées comme si elles étaient normales. Des scènes de flashbacks montrent également comment souvent les pervers sexuels ont été aussi les objets de perversions dans leur enfance avant de s'y livrer eux-mêmes - comme si cela était une excuse suffisante à leurs dépravations actuelles.
Enfin, grâce à la volonté de vengeance d'une jeune femme, aux liens d'une victime avec la mafia chinoise, à la nécessité pour les chefs du réseau de liquider un témoin, et le fait que la surveillance d'un pédophile va permettre d'abattre des terroristes alors qu'ils attendaient un Boeing au bord d'une piste, les lampistes du crime sont tous abattus, sans que cela ne change rien à la situation générale. Les chefs, commanditaires ou grands bénéficiaires de ces crimes sont restés dans l'ombre et peuvent continuer tranquillement leurs crimes et leurs bénéfices (ce qui est il est vrai la logique de la conclusion d'un roman noir).
Citation
La veille elle avait eu un échange téléphonique rapide lors duquel il lui proposa un après-midi câlin, c'est comme cela qu'il nommait les rencontres avec des petites filles.