Un mauvais garçon

Je réprouve le meurtre, sous toutes ses formes. Je suis hostile à la peine de mort. Pourtant, je m'apprête à tuer un homme de sang-froid. Il est des circonstance où le poids de la vie est tel qu'il abolit nos convictions les plus solidement ancrées...
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Roman - Noir

Un mauvais garçon

Social - Drogue - Urbain MAJ samedi 22 août 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 17 €

Deepti Kapoor
A Bad Character - 2014
Traduit de l'anglais (Inde) par Michèle Albaret-Maatsch
Paris : Le Seuil, août 2015
204 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-02-116567-8
Coll. "Cadre vert"

Actualités

  • 09/10 Prix littéraire: Deuxième sélection des Prix Médicis 2015
    Comme chaque année, les grands prix littéraires dévoilent leurs sélections, et nombre d'ouvrages sont k-librés, à savoir des ouvrages de fictions noire, policière ou de guerre, voire de western, ou même des essais qui côtoient ces genres. Les dernières sélections des Prix Médicis ne dérogent pas à cette règle. C'est ainsi que la catégorie "Romans étrangers" reflète de près ou de loin tous ces genres. D'abord avec L'Imposteur, de Javier Cercas (Actes Sud), qui narre la vie travestie d'un simili-héros de la guerre d'Espagne soi-disant rescapé des camps de la mort et qui a mené une vie d'imposture forcenée si ce n'est forcée. Et puis il y a Un mauvais garçon, premier roman de Deepti Kapoor (Le Seuil), qui plonge dans la vie urbaine et nocturne de New Delhi en compagnie d'une jeune femme qui vit avec des morts et s'essaie à la drogue et au sexe avec le seul être vivant à ses yeux, un être qui l'envoie tout droit à la rencontre de la noirceur du monde. Et puis il y a cet Encore, de Hakan Günday (Galaade), qui traite d'un sujet fort d'actualité : celui des clandestins, de leurs passeurs et de leurs itinéraires vers un paradis mortel. Enfin, dans un autre registre, Vie et mort de Sophie Stark, d'Anna North (Autrement), qui s'intéresse à la passion destructrice d'une réalisatrice de cinéma. La sélection française est moins ancrée mauvais genres même si l'on remarque La Cache, de Christophe Boltanski (Stock), un roman sur la vie de la famille Boltanski qui débute pendant la Seconde Guerre mondiale "Rue-de-Grenelle", et surtout Pirate, de Fabrice Loi (Gallimard), qui revient sur ces pirates modernes au large de la côte de l'Afrique, loin de ceux rencontrés dans Corto Maltese...
    Les jurés proclameront une troisième sélection pour les catégories "Romans français" et "Romans étrangers", ainsi qu'une deuxième dans la catégorie "Essais" le 28 octobre 2015. Toutes trois seront bien entendu resserrées. Les lauréats seront dévoilés le 5 novembre.

    Deuxième sélection du Prix Médicis catégorie "Roman français" 2015 :
    - Titus n'aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (P.O.L.) ;
    - La Cache, de Christophe Boltanski (Stock) ;
    - Histoire de l'amour et de la haine, de Charles Dantzig (Grasset) ;
    - Le Beau temps, de Maryline Desbiolles (Le Seuil) ;
    - Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia) ;
    - Les Prépondérants, de Hédi Kaddour (Gallimard) ;
    - Les Désœuvrés, d'Aram Kebabdjian (Le Seuil) ;
    - Anomalie des zones profondes du cerveau, de Laure Limongi (Grasset) ;
    - Pirates, de Fabrice Loi (Gallimard) ;
    - Le Metteur en scène, d'Antoine Mouron (Christian Bourgois) ;
    - D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (Jean-Claude Lattès).

    Deuxième sélection du Prix Médicis catégorie "Roman étrangers" 2015 :
    - L'Imposteur, de Javier Cercas (Actes Sud) ;
    - Encore, de Hakan Günday (Galaade) ;
    - Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor (Le Seuil) ;
    - Illska, de Eirikur Orn Norddhahl (Métailié) ;
    - Vie et mort de Sophie Stark, d'Anna North (Autrement) ;
    - Une vie entière, de Robert Seethaler (Sabine Wespieser) ;
    - D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds, de Jon Kalman Stefansson (Gallimard) ;
    - La Fiancée de Bruno Schulz, d'Agata Tuszynska (Grasset).

    Première sélection du Prix Médicis catégorie "Essais" 2015 :
    - Ardennes 1944, d'Antony Beevor (Calmann-Lévy) ;
    - Leïla Mahi 1932, de Didier Blonde (Gallimard) ;
    - Le Parapluie de Simon Leys, de Pierre Boncenne (Philippe Rey) ;
    - La Transparence et le reflet, de Serge Bramly (Jean-Claude Lattès) ;
    - Adieu Montaigne, de Jean-Michel Delacomptée (Fayard) ;
    - Les Irremplaçables, de Cynthia Fleury (Gallimard) ;
    - Casanova l'aventure, d'Alain Jaubert (Gallimard) ;
    - Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Le Seuil) ;
    - Disparaître de soi, de David Le Breton (Métailié) ;
    - Retour à Duvert, de Gilles Sebhan (Le Dilettante).
    Liens : David Le Breton

Contre-courant du temps

Pour son premier roman, l'Indienne Deepti Kapoor propose une intrigue initiatique noire, urbaine et interlope dans un New Delhi étrangement déserté tant on a l'impression que ses personnages évoluent dans une ville statique et pourtant étrangement réelle pour qui a eu la chance d'y aller un jour. Son héroïne est une jeune orpheline de vingt ans. C'est-à-dire que sa mère est morte et que son père partit vivre à Singapour l'a abandonnée. Elle a été recueillie par Aunty, sa tante, qui n'a qu'un seul objectif, la marier si possible à un NRI - autrement dit un Non-Resident Indian, un Indien qui fort logiquement a émigré et fait fortune aux États-Unis. Pendant ce temps, la narratrice poursuit ses études et sillonne la ville au volant de sa voiture, jusqu'à ce qu'un jour, désœuvrée, elle s'arrête dans un bar où elle croise le regard de la seule personne masculine non morte de la ville. Un homme un peu plus âgé qui l'attire donc par ses yeux et ses manières, mais pas par son physique ingrat. Et pourtant c'est avec lui qu'elle va découvrir les joies de l'amour physique et les tourments de l'amour moral. Riche, sûr de lui, il va jouer avec sa proie, il va l'asservir, en faire sa chose qu'il entend pourfendre de son sexe à tous moments. Et il va lui apprendre à mentir avant de l'initier (encore plus) à l'alcool et (surtout) à la drogue - de la fumette au rail de coke. De cette relation déséquilibrée, va étrangement naître une autre force de volonté. La narratrice initiée va alors vouloir s'émanciper. Le prédateur va se retrouver démuni devant une proie rétive. Il va surtout, à force d'avoir joué à avoir des sentiments et ainsi avec renié ses propres sentiments, se détruire, se consumer jusqu'au suicide (alors qu'une jeune voisine mourra elle aussi mais d'avoir voulu vivre ses sentiments). C'est alors que la narratrice va s'engouffrer dans ses mensonges à lui, et plonger dans les vicissitudes de sa vie à elle. Sexe, drogue, alcool, mépris de soi et surtout mépris des autres. Le seul à trouver grâce à ses yeux, c'est Ali, le conducteur tardif de ce mauvais garçon. Un homme qui a vu son maître s'auto-détruire et qui est tout à son chagrin. Pour la narratrice, femme de plusieurs soirs du businessman, l'heure de la rédemption va sonner auprès de cette Aunty, image d'Épinal de la femme indienne soumise aux traditions, quelquefois retrouvée. Mais réduire ce roman à cette singulière intrigue serait une faute, d'autant plus que sa construction déstructurée et son absence de vrais dialogues nous fait plonger dans la boîte d'un puzzle avec des doigts qui nous montrent un à un des détails épars de cette aventure. Le roman est chronologiquement chaotique à l'instar du Gange tel qu'il est décrit par la romancière : "Le Gange est un fleuve qui va à contre-courant du temps." Et Deepti Kapoor en femme moderne dresse un portrait affolant de cette société indienne où la place de la femme est réduite à celle d'un animal que l'on préfère bafouer que respecter. La course-poursuite entre la narratrice au volant de sa voiture et deux hommes à moto avides de sexe est stupéfiante. On conserve le regard baissé, comme ces femmes qui ne peuvent observer à loisir la ville et tous ses habitants. Et pourtant, la narratrice est une observatrice féroce qui s'appuie sur la jolie plume imagée d'une romancière en devenir.

Citation

Malheureusement, quand il fait noir, Delhi n'est pas un endroit pour une femme, sauf si elle a un mec et une bagnole ou bien une bagnole et une arme.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 27 juillet 2015
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