Contenu
A comme Association. 2, Les Limites obscures de la magie
Poche
Réédition
À partir de 10 ans
172 p. ; illustrations en noir & blanc ; 18 x 13 cm
ISBN 978-2-07-065902-9
Coll. "Folio junior"
Tête brûlée
La série "A comme Association" est un projet pensé à deux têtes, et partiellement écrit à quatre mains. Si Pierre Bottero, qui signe ce deuxième opus, a disparu en 2009, il n'en avait pas moins laissé à son complice Erik L'Homme des ouvrages entièrement finis, que ce dernier s'est contenté de corriger, évitant à tout prix toute modification de ce roman maintenant posthume. Voilà pourquoi le lecteur averti reconnait dès les premières pages la plume de Pierre Bottero, dont le talent s'est largement illustré dans la littérature jeunesse. Écrit comme un récit parallèle au volet inaugural d'Erik L'Homme La Pâle lumière des ténèbres, ce roman recoupe le premier selon un point de vue totalement différent : si Ombe est tout comme Jasper stagiaire de l'Association, cette agence secrète chargée de contrôler les Anormaux, elle est cependant d'une toute autre trempe. Véritable force de la nature, elle fonce tête baissée dans les problèmes, maitrise très mal la magie, dispose d'un sens de la diplomatie très limité et se bat à la perfection. Indépendante, solitaire, elle a bien du mal à solliciter l'aide des autres, et à se plier aux règles imposées par l'Agence. Un électron libre qui captive le lecteur dès les premières pages, le faisant s'interroger très vite sur la nature (et le nombre) des problèmes qu'elle ne peut manquer de s'attirer !
Un deuxième tome très riche, au moins aussi bien écrit que le premier, et qui illustre parfaitement la complémentarité des deux auteurs et la richesse littéraire qu'une telle collaboration génère. Là où Jasper est un adolescent discret, maitre en l'art de la magie et un peu trouillard – disons prudent ? -, Ombe est un véritable feu follet, qui a tendance à s'attirer les pires problèmes et ne parvient décidément pas à dompter les langues araméenne et elfique qui pourraient lui permettre de manier la magie. Peu disposée pour les études, elle n'en reste pas moins un élément prometteur de l'Association qui accepte donc de fermer les yeux sur certaines... bévues. Pourtant, cette fois, elle a combattu des gobelins – oui, des gobelins ! – au milieu de la cour de son lycée. Impossible donc de ne pas l'envoyer "au vert" histoire de se faire oublier... Et cela tombe d'autant mieux que Walter et mademoiselle Rose ont une mission à lui confier quelque part très loin près d'un lac : faire avorter un projet immobilier qui menace la tranquillité d'une Créature dans un lac. A priori pas de quoi la passionner, sauf que les promoteurs semblent ne cacher que les agissements d'un magicien. Ombe fonce donc une nouvelle fois dans cette trouble affaire, et devra une nouvelle fois user de ces méthodes bien peu conventionnelles – même pour une agence secrète qui travaille avec des Anormaux, c'est pour dire – qui font sa signature.
Pierre Bottero, on le sait lorsque l'on connait son œuvre, est une valeur sure dans la littérature fantasy et jeunesse. Les Limites obscures de la magie ne fait pas exception à la règle : on est happés dès les premières pages dans une intrigue rythmée et menée par un personnage dont il a le secret (à la fois agaçant et attachant, avec une touche de fragilité sous un épais vernis de force). Mais ce qui, au-delà de cette aventure, fait l'immense différence, c'est bien entendu la qualité de son écriture : entre humour et codes des romans d'aventure sur fond d'espionnage, il manie aussi la psychologie adolescente et les principales figures de la fantasy. Le savant et intelligent mélange de tout cela crée un roman atypique et très agréable à lire qui s'articule parfaitement avec le premier tome tout en cultivant sa différence. Une réussite complète et une suite passionnante pour une série qui promet de faire date.
Citation
Je pousse un soupir en réalisant que, cette fois, je n'échapperai pas à la pratique de la magie. Or, par tous les diables, je déteste la magie. Le tralala que réclame un simple sort m'exaspère. Baragouiner une formule stupide, en latin si on a de la chance, en égyptien antique, en sanscrit, ou en araméen le reste du temps, choisir les ingrédients appropriés dans une liste aussi longue que l'aurait été la muraille de Chine si ses constructeurs ne s'étaient pas montrés fainéants, se souvenir de la gestuelle qui correspond au sort, gestuelle évidemment ridicule, et, pour finir, courir le risque que, pour une raison tordue, le sort ne fonctionne pas.