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Les Experts Amazonie
Tomas Esteban, ancien membre de l'ETA devenu chercheur d'or dans la forêt amazonienne versant vénézuélien, revient en Espagne pour le mariage de sa cousine qui est pour ainsi dire sa sœur vu qu'ils ont été élevés ensemble par la mère de celle-ci. Les retrouvailles sont de courtes durées puisque Esteban est enlevé pendant le banquet qui suit la cérémonie. La police locale n'arrive pas à grand-chose d'autant que la famille du kidnappé ne coopère pas plus que ça. À Madrid, Marcos Fontanillas, commissaire au centre général de la police scientifique, dirige depuis peu l'unité spéciale de neuropsychocriminologie, une brigade constituée de trois inspecteurs et qui expérimente les nouvelles techniques issues des progrès en matière de neurosciences. Techniques qui consistent, EN GROS (j'insiste en majuscule car c'est beaucoup plus complexe, intelligent et surtout mieux expliqué par l'auteur que par moi), en une IRM à la pointe des dernières technologies dans ce domaine et qui permet, quand on y soumet un suspect, un coupable ou un témoin, d'obtenir beaucoup plus d'informations que celles que celui-ci fournit de son plein gré. Pour se faire, la brigade est aidée par la jeune Milagro, dite Mila, Ferrer, une universitaire en fin de thèse qui aspire à embrasser la carrière de neuropsychocriminologue, un métier d'avenir. Le problème, en parlant d'avenir, c'est que celui de la brigade n'est pas assuré du tout. En effet, ces nouvelles techniques laissent beaucoup de hauts placés sceptiques, et puis surtout son exploitation coûte de l'argent. Il y a également un problème de déontologie qui se pose car on ne peut pas nier qu'il y a une vraie part d'extorsion de la vérité pour celui qui s'y trouve confronté. Bref, l'affaire Esteban est une bonne occasion, à la fois pour faire ses preuves, mais aussi pour trouver les limites à ne pas dépasser. L'action s'emballe lorsqu'à Vigo (un port), sur les quais (mais sans Brando), un homme tue un docker d'une fléchette empoisonnée au curare. Le meurtrier, visiblement un indien d'Amazonie, est arrêté sur le champ mais il reste muet à toutes les questions qu'on lui pose. En le soumettant au test, la bande à Marcos va mettre les pieds sur le chemin d'un périple qui les emmènera bien plus loin que la Catalogne, la Castille ou toute autre région de la belle Espagne.
Si comme moi, vous avez découvert l'aventure, le suspense, le mystère, le frisson, l'évasion du quotidien, le voyage et l'exotisme avec Tintin en général, et avec Les Sept boules de cristal/Le Temple du soleil en particulier, je vous le dis, ce roman est pour vous. Bon attention, je ne vous annonce pas le retour de Rascar Capac ou la découverte du journal de bord de l'expédition Sanders-Hardmurth ! Je vous parle simplement d'un écho nostalgique très agréable. Après ça s'arrête là, vous n'êtes pas obligé d'être passé par la case Hergé pour lire Chasseurs d'esprit. Le propos de Isabelle Bourdial, par ailleurs journaliste scientifique qui a déjà signé moult (frites) écrits sur les neurosciences est d'une part de nous faire découvrir ce sujet qui la passionne et qui est peu connu du grand public, et d'autre part de divertir en nous livrant une histoire romanesque dans laquelle cette nouvelle technologie et son évolution constante (car nul doute que ça représente le futur, notamment dans une utilisation judiciaire... pour arriver à Minority Report ?) tiennent une place prépondérante. Ce qui, vous en conviendrez, est une approche moderne, novatrice et furieusement à la page (voire en avant-garde) de ce bon vieux polar (car il n'y a aucune incursion dans le fantastique). Mais là où ça devient intéressant, c'est que cette manie typique de notre civilisation de toujours aller vers le progrès (toujours plus vite, toujours plus haut), à tel point que même nous, êtres civilisés de cette civilisation, nous avons une connaissance restreinte du niveau de progrès où nous sommes, rencontre ses limites quand elle s'invite sur le terrain inhospitalier d'une autre civilisation, en l'occurrence (je peux vous le dire sans vous gâter le plaisir du livre) une tribu indienne d'Amazonie, qui n'a absolument pas les mêmes codes, les mêmes préoccupations, les mêmes jugements, et surtout le même rythme que nous (plus en accord avec la nature). Et qui elle-même se rend compte, quand elle doit parcourir le chemin inverse, à quel point évoluer en dehors de ses frontières relève du véritable exploit.
On dépasse donc largement les limites du simple roman policier classique tout en suivant à la trace une équipe d'enquêteurs (et je précise qu'il y a une vraie intrigue). On est emporté par un style rythmé (qui s'essouffle pendant les explications techniques mais elles sont nécessaires), des personnages attachants, des scènes d'action parfois atypiques (pas toujours besoin d'avoir un méchant avec un flingue au cul pour se mettre à courir vite) pour un plongeon tête la première dans le dépaysement et l'aventure !
Citation
Mila est déçue, que croyait-elle ? Que le représentant de leur peuple effectuait sa visite quinzomadaire à son bon ami Cocco ? Qu'un lundi sur deux, il prenait sa pirogue pour ne pas rater la correspondance de 8 h 45 sur les berges de l'Orénoque ? Mais si l'indien n'est pas là, qu'avait Horacio en tête lorsqu'il leur avait proposé cette rencontre ? Il doit avoir un moyen de communiquer avec les Amazoniens. Par téléphone satellitaire ?