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Adieu à l'enfance et l'insouciance
Le titre annonce de lui-même l'idée d'un départ ou d'un changement. D'ailleurs, le récit s'ouvre sur cette promesse de voyage. Zeb a promis à son frère, Ray, adolescent, de l'emmener au Japon, histoire de voir du pays et de quitter cette routine oppressante du petit village québécois dans lequel tous deux végètent. Mais, un matin, Zeb a disparu sans un mot et surtout sans avoir emmené avec lui Ray, malgré sa promesse. Pascal Millet met également en avant le fait que le changement, c'est aussi de manière métaphorique, le passage de l'état d'adolescent à celui d'adulte. C'est un passage qui effraie beaucoup, autant les enfants que leurs parents. Ray va effectuer ce voyage mental, en côtoyant les adultes, les amis de son frère, sa petite amie, ceux qui pourraient le renseigner sur ce départ soudain et muet. Mais c'est un voyage plein d'embuches, une route pavée d'éléments étranges - un ami agonisant sur le bord de la route, Lou, la copine de son frère, qui court avec un autre homme nue dans les champs et le tue...
Le romancier a écrit plusieurs histoires pour la jeunesse et cela se sent à la fois dans le thème choisi et dans une écriture simple à fleur de peau qui décrit les sentiments et la psychologie des personnages avec le regard de l'innocence. Comment faire dans un monde où les repères sont si flous, où les adultes mentent et où les actes sont égoïstes ? L'auteur, sans dévoiler le final de l'histoire, décrit cette lente descente vers le monde adulte, un monde de faux semblants, où ne règnent que les rapports de force, où tout n'est que tricherie (Zeb non seulement ment à son frère mais il est également un joueur de poker qui n'hésite pas à tricher pour gagner) où même la famille ne semble être un refuge sûr. À cet égard la seule chose qui relie les membres de la famille de Ray, c'est une arme à feu que chacun utilise contre soi ou les autres. L'un des passages de l'adolescence à l'adulte, c'est la traversée du feu qu'est la découverte de la sexualité. Ici, elle apparaît en filigrane, là aussi comme une version dégradée du monde, comme un rapport de force, comme une chose un peu honteuse, et Pascal Millet la décrit sans voyeurisme ni tapage, comme un élément naturel, dur parfois, mais avec pudeur et retenue. Sayonara cerne quelques personnages, dans un petit village paumé au fin fond du Québec avec des gens qui s'agitent, qui essaient de (sur)vivre, qui ont des rêves ou qui sont contents de leur vie simple, qui sont coincés dans leurs propres soucis, qui auraient peut-être envie de monter dans une voiture et de foncer vers le Japon. Bref des gens qui pourraient vivre n'importe où et surtout être nous, des êtres humains enserrés dans une intrigue noire et non des super-héros sauvant le monde.
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°55
Citation
Il me dit saynonara et je souris. Juste des mots, je le sais, des clichés indélébiles et fixés dans mon esprit, des sons étranges et rugueux expulsés de sa gorge.