Cavale hongroise

Moi, je te distingue fort bien et, à cette distance, je puis même te faire sauter le crâne sans risquer de tacher la couverture de mes livres. Donc tu vas répondre, ensuite j'aviserai.
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Roman - Policier

Cavale hongroise

Social - Mafia - Gang - Artistique MAJ lundi 13 juin 2016

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Waldeck Moreau
Paris : Lajouanie, mars 2016
248 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-37047-067-6

Grand cru et gueule de bois

Le vin du château de Montferrand, près du Pic Saint-Loup dans l'Hérault, propriété de la comtesse Élizabeth de Montferrand, remporte un énième prix au concours agricole 2012 de Paris. Une habitude depuis 2009. Une telle réussite intrigue. Des questions se posent. Certaines concernent le vin. Ou plutôt la nature des additifs qui y sont ajoutés pour obtenir des productions d'une si grande qualité. D'autres visent la comtesse elle-même. De cette belle femme sans âge on ne sait quasiment rien. De quel pays est-elle originaire avec son accent slave ? Hongrie ? Elle n'est entourée que de femmes. Est-elle lesbienne ? D'où vient sa fortune qui lui a permis, quand elle est arrivée en France en 1999, de restaurer le château de Montferrand ? Château que la justice lui a rendu après qu'elle ait fait la preuve d'une spoliation du domaine à sa famille au XVIIe siècle. Le capitaine Mathias Croguennec vit seul depuis la mort de sa femme et de sa fille, toutes les deux tuées dans un accident de voiture. Il se sent responsable de leur mort. Ne se souvient plus de ce qu'il s'est passé ce soir-là quand elles sont parties. Se demande même si ce n'est pas lui qui conduisait, et s'il n'est pas rentré à pied après l'accident qui a eu lieu pas très loin de la maison. Mathias Croguennec est un flic qui picole et qui s'endort sur le canapé. Il s'endort et cauchemarde. Et quand son adjoint le réveille, ce n'est pas pour lui éviter un mauvais rêve mais pour lui demander de venir le rejoindre sur la nationale 612 à cause du cadavre d'une fille. La nationale 612, Mathias la connaît bien. Elle est bordée de prostituées mineures venues de l'Est, et il lui arrive de s'arrêter pour s'offrir les services du certaine Cindy. Une Hongroise âgée de seize ans. Manque de pot pour le flic, le cadavre c'est elle. Troublé, Croguennec parvient à donner le change. Il commence même une enquête, intrigué par les origines communes de la comtesse et de Cindy. Mais bientôt, un indicateur secret publie sur le Net des photos très compromettantes pour le policier. Mathias disparaît...
Cavale Hongroise (roman policier mais pas que...), édité chez Lajouanie, porte bien le sous-titre de son genre. Car l'étiquetage polar est un peu étriqué. Bien sûr, il y a le flic, ses collègues, ses emmerdes, son enquête, ses vérités, ses nuits alcoolisées, ses fantômes, la meuf dont il tombe amoureux, les putes, les cadavres, les flingues, les mystères qui flirtent avec le surnaturel, le glauque, le cul, et puis tout le reste. Mais le héros, Mathias Croguennec, n'est pas un superman. C'est un policier qui cumule de brillants états de service et de brillants états d'ivresse. C'est un homme dépressif. Il n'affronte pas, il fuit. Attention, je n'ai pas dit qu'il ne cherchait pas. Il a un désir de justice, surtout qu'il est personnellement impliqué, et il va aller loin pour connaître la vérité, mais ce n'est pas le flic suicidaire qui se pointe avec son tournevis cruciforme face une horde de pistoleros en criant "J'emmerde la mort !". Oui, c'est un flic parce qu'on est dans un polar. Mais c'est un homme perdu, raté, désespéré, qui est sorti du camp des vivants pour intégrer celui des survivants. Il ne se bat plus, il se débat. Et attend. La plupart du temps, pas grand-chose. De temps en temps, quand le soleil est là, la chaleur ravive des envies d'autre chose, de détente, de respiration, de présence, de regard, et des besoins de tendresse, d'affection, d'une attirance, d'une intimité sexuelle désintéressée, d'une intimité tout court. C'est malheureusement le lot de beaucoup d'hommes. Pas nécessairement besoin d'un personnage qui appartient à la grande maison pour ça. Bien sûr, il y a une intrigue, je ne dirais pas qu'elle est minimaliste car ce n'est pas vrai, mais elle fait plus office de forme que de fond. Derrière l'histoire, on découvre un vrai tableau. Un paysage. L'Europe avec ses tons criards d'aujourd'hui qui ne parviennent pas à étouffer les couleurs du passé. Attention, il ne s'agit pas de faire un bilan à deux colonnes : ce qui est bien, ce qui est mal. Ce n'est pas le propos de l'auteur. Mais il (l'auteur) parvient, sous couvert d'une intrigue policière, à nous mettre devant une réalité qui découle directement de l'ouverture des frontière et de l'entrée des nombreux pays de l'ancien régime communiste (et la Hongrie en particulier) dans l'Union Européenne : nouvelles maffias, réseaux de prostitutions, rachats de biens immobiliers, de vignobles, règlements de comptes, assassinats, guerre des gangs, mais aussi immigration massive, désir d'un retour à l'ordre, montée des parties d'extrême droite, persécution des Roms. Tout ça ne date pas d'hier mais de bien plus loin. Bien sûr, il y a un auteur alors tout ça a forcément un côté romanesque. C'est peut être pour ça que c'est supportable, le monde tel qu'il est.

Citation

Si seulement il l'avait rattrapé, s'il s'était excusé, s'il l'avait supplié de lui pardonner. Mais non, elles avaient claqué la porte. Il entendait encore les cris de sa fille, terrorisée par la violente dispute. À moins que ce ne soit la violence du choc. Il avait bu ce soir-là, ses souvenirs étaient embrouillés, contradictoires. Parfois, il voyait sa femme et sa fille fuir leur domicile et d'autre fois, il se voyait au volant percutant ce putain de platane.

Rédacteur: François Legay lundi 13 juin 2016
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