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Les Ombres de Canyon Arms
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Aline Weill
Paris : Ombres Noires, avril 2016
126 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-08-138334-0
Vrais fantômes et fausses illusions
Dans nos vieux pays européens, les fantômes sont liés aux vieilles demeures, aux châteaux et aux hautes familles nobiliaires, mais qu'en est-il des États-Unis ? Dans ce pays, ce qui s'apparente le plus à des espoirs déçus, à des rêves aristocrates, c'est sans aucun doute le cinéma et les rêves qu'il engendre. Et puis, à force de vivre dans des décors et du stuc, on est peut-être un plus proche des esprits... Penny Smith est pourtant une fille réaliste et aux pieds solidement ancrés dans la terre. Débarquant dans les années 1950 à Hollywood, elle espère entamer une carrière d'artiste, mais elle comprend vite qu'elle ne percera pas et accepte alors de travailler dans l'ombre des stars en devenant maquilleuse. Elle conserve certains rêves quand même et s'installe dans un petit bungalow. La propriétaire a l'air sympathique, mais lorsqu'elle découvre que le précédent locataire s'est suicidé, que des ombres fantomatiques de lutins se baladent autour de la maison et que le mort a laissé un message accusant justement la propriétaire...
La novella de Megan Abbott est subtile, jouant sur la corde des fantômes d manière éminemment classique soit par petites touches, sans fioritures, comme une folie qui s'empare peu à peu du décor. Son personnage de Penny Smith, décrite comme une jeune femme solide, voit son portrait se décaler lentement - trahie par les hommes, engluée dans des espoirs qui ne se réalisent pas. L'évocation des années 1950, là aussi plus suggérée que réellement démonstrative, rappelle les descriptions tendres chez James Ellroy ou les films de David Lynch avec de petits canyons à l'aspect méditerranéen, et la vie calme loin des tumultes de la ville. Megan Abbott peint avec finesse la lente dégringolade de Penny Smith dans un univers gothique matiné de cinéma qu'elle connait bien et dans lequel elle excelle. Son explication finale, certes un peu ironique, certes un peu mélancolique, rappelle que les papillons humains que nous sommes voulons sans cesse nous rapprocher de la lumière même si c'est pour nous y brûler les ailes. Le récit joue sur le contraste saisissant entre l'ombre et la lumière, sur les choses qui apparaissent justement lorsqu'il fait sombre, à l'image du personnage du dernier locataire suicidé qui se met la tête dans un four, à l'image de ces lutins lumineux qui ne surgissent que comme des ombres portées dans la nuit en un clair-obscur comme les aimait jadis le cinéma américain.
Citation
Et puis , elle entendit le bruit. Toutes les nuits. Un bruit de coups légers, semblable à ceux d'une bestiole piégée derrière le mur.