Contenu
Du plomb pour l'inspecteur
Grand format
Réédition
Tout public
François Guérif (présentation)
Bertrand Tavernier (présentation)
Paris : Sidonis, octobre 2016
19 x 14 cm
Coll. "Film noir"
Inspecteur détourné
Archétype décalé et intelligent du film noir, Du plomb pour l'inspecteur propose avant tout deux trajectoires opposées, une tournée vers le Mal, l'autre lumineuse. Les cinq premières minutes silencieuses nous montrent le braquage d'une banque par deux malfrats, qui tourne mal. S'ils parviennent à s'enfuir avec deux cent mille dollars, les gangsters abattent un gardien. L'enquête de la police conduit à un certain Harry Wheeler qui a disparu dans la nature laissant derrière lui sa maîtresse dans un appartement. Les inspecteurs vont donc se mettre en planque en face du dit appartement, suivre les allées et venues de cette Lona McLane (avec un joli et répétitif balai), mettre sur écoute son téléphone, et le lieutenant Paul Sheridan va être chargé de l'approcher. C'est là le point faible de la procédure puisque Sheridan va tomber amoureux et dans une spirale criminelle. Dans le même temps, son partenaire tombe, lui, sous le charme de la voisine de palier de Lona, une infirmière (Dorothy Malone, brune pour l'occasion - histoire de faire pendant à la blonde Kim Novak -, actrice de second rôle qui a joué dans Le Grand sommeil d'Howard Hawks la propriétaire du magasin de livres) qui, elle ne le sait pas encore, va précipiter la chute du couple infernal. Contrairement à ce que l'on pourrait s'attendre, la femme fatale incarnée par Kim Novak (dont c'est le premier grand rôle qui la conduira jusqu'à Vertigo, d'Alfred Hitchcock), ne va pas manipuler l'inspecteur Sheridan, pire, elle tentera de le convaincre de faire une croix sur le butin et de s'échapper ensemble. Sheridan, c'est Fred Mac Murray, star du grand écran, immortalisé dans Assurance sur la mort, de Billy Wilder dont ce film est à rapprocher. Le duo fonctionne à merveille, régit par la caméra amoureuse de Richard Quine (il faut écouter les bonus de Bertrand Tavernier et de François Guérif, mais également découvrir la biographie de cet homme qui a malheureusement conduit à la mort Susan Peters, sa première épouse avant d'être soudainement abandonné par Kim Novak et de sombrer dans un alcool suicidaire). Il filme avec beaucoup de maîtrise et d'ingéniosité la tension grandissante, il s'amuse d'un pianiste de jazz dans un bar, il joue admirablement avec les lumières et les ombres dans les rues, et il dirige talentueusement ses acteurs à qui sont offerts des dialogues finement ciselés et souvent concis façon flics. Le scénario est particulièrement bien ficelé même s'il laisse sur le carreau le complice de Wheeler. Bertrand Tavernier explique que Jean-Luc Godart au moment de réaliser À bout de souffle souhaitait s'inspirer de ce film, et que n'y réussissant pas, il changea son fusil d'épaule et fit un film qui révolutionna le cinéma. On comprend ce qui intéressait le réalisateur français : l'implacable déchéance d'un homme au bout d'un rouleau en quête d'un nouveau rêve. Haletant !
Du plomb pour l'inspecteur (82 min.) : réalisé par Richard Quine sur un scénario de Roy Huggins, d'après le roman The Night Watch de Thomas Walsh. Avec : Fred MacMurray, Philip Carey, Kim Novak, Dorothy Malone, E. G. Marshall, James Anderson...
Bonus. Présentation de Bertrand Tavernier. Présentation de François Guérif.
Citation
Lisez-vous les statistiques, Paddy ? Avez-vous vu des gangsters arrêtés dans la nature ou à une frontière ? On les cueille dans une grande ville, en compagnie d'une femme.