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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Emmanuel Pailler
Paris : Rivages, mars 2017
306 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-3927-3
Coll. "Thriller"
Les vernis craquellent toujours
Au centre du roman de James Carlos Blake, il y a un vieil homme, bien habillé qui engage des escort girls juste pour l'accompagner quand il va voir de jeunes gens et ainsi les impressionner. Cela lui permet un ascendant sur des criminels débutants. En les aidant à se former et à devenir plus forts, il compte ainsi en faire des recrues pour son propre gang - les jeunes voyous grâce à cette référence désirant monter en puissance. C'est le cas d'Espanto, un homme qui n'a aucune moralité et qui est prêt à tuer sans sourciller pour ressembler à son mentor. Il met au point avec une vieille connaissance un plan pour kidnapper des fils et des filles de bonne famille à la sortie d'un mariage. Son plan est monté avec soin et ses acolytes sont des psychopathes en puissance. Leur seul problème, outre l'incompétence de certains membres du gang, c'est d'inclure dans le kidnapping une jeune Américaine, amie de la famille des mariés. Or, cette jeune fille fait partie d'un gang américano-mexicain puissant...
Le récit va donc se dérouler d'une triple manière : d'un côté le plan des kidnappeurs, leurs planques, leur cynisme ; d'un autre, celui de la famille Wolfe pour les retrouver et sauver leur représentante ; et au centre, la jeune fille Wolfe qui a reçu l'éducation de son clan et tente de s'échapper. En arrière-plan de cette intrigue noire et violente, ne négligeant aucun "sale" détail, c'est aussi une radioscopie de Mexico qui est présentée - les familles riches et puissantes se payant des gardes du corps et assurées d'agir en toute impunité ; les pauvres qui vivent dans des bidonvilles décrits ici avec soin et une certaine forme d'humour comme lorsqu'une partie du gang et ses otages sont retranchés dans une maison pourrie qui sent extrêmement mauvais et que l'on découvrira que les odeurs nauséabondes sont dues aux précédents locataires qui utilisaient le sous-sol pour confectionner des drogues. Il subsiste, outre des scènes d'action bien montées et un sens du récit (les plans A, les plans B, les ripostes et les contre-ripostes) qui suscitent une certaine jubilation de lecture. Mais La Maison Wolfe c'est aussi toute une description de la misère, de la violence de la société mexicaine, à travers des scènes et des décors à couper le souffle : un bus clandestin qui parcourt tous les voies de circulation sur une autoroute pour gagner du temps, au risque de tuer ses passagers, des flaques d'acide qui jouxtent les maisons des bidonvilles, des amis prêts à flinguer un ami à la fin d'un coup car il pourrait éventuellement parler, des décharges où les hommes blessés luttent pour leur survie contre des meutes de chiens affamés. Face à cette violence, les membres de la maison Wolfe cherchent à protéger les leurs, sans se soucier de moralité ou de légalité (le récit s'ouvre d'ailleurs sur une fusillade dans un de leurs bars et la façon dont ils se débarrassent des cadavres). Par delà, James Carlos Blake décrit sans juger une société violente, des deux côtés de la frontière, violente par les armes, par la force ou par la puissance financière, comme un retour des temps ancestraux au milieu de ce que l'on croit être la civilisation. Ce n'est sans doute pas un hasard si le mentor essaye d'inculquer le goût de la musique classique au jeune voyou, histoire de glisser un vernis culturel sur la barbarie. Mais la barbarie retrouve toujours sa place première, comme le crocodile préhistorique sait toujours jaillir de l'eau pour capturer sa proie.
Citation
Les oreilles bourdonnantes, je lève la tête et je vois Eddie penché au-dessus d'un des braqueurs étendus, le canon de son Browning à quelques centimètres du cœur et bang, il tire encore. Puis il s'occupe de l'autre de la même manière. Toujours s'assurer. Une vieille règle.