Contenu
Du sang sur le sable
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du suédois par Lucas Messmer
Paris : Denoël, novembre 2017
498 p. ; 23 x 16 cm
Coll. "Sueurs froides"
Des Suédois en plein soleil
Les Suédois, forcément, on les imagine dans la neige, avec leurs boissons locales qu'ils picolent ou vomissent, et une grosse dépression due à la qualité de la neige qui tombe sans arrêt. Mais ce serait jouer uniquement sur les clichés car, comme partout ailleurs, il existe aussi des personnes entreprenantes, parfois hommes d'affaire émérites. Prenez par exemple, Carl-Adam. C'est un homme qui s'est enrichi dans les affaires, à tel point qu'il s'est offert un gros voilier pour faire le tour du monde avec sa femme et ses deux enfants. Mais alors qu'il traversait les mers, il s'est laissé distancer par le convoi qu'il accompagnait et a été attaqué par des pirates. À présent, lui et sa famille sont dans une cahute perdue de la côte somalienne et personne ne semble s'inquièter de leur sort. Les Suédois sont également connus pour être un peuple pacifique. Autre cliché. Certains d'entre eux sont militaires. D'ailleurs, un officier vient lui aussi sur la côte somalienne pour voir comment ses troupes s'entrainent pour escorter et protéger les navires marchands et les bateaux de plaisance qui traversent les mers dans ces zones dangereuses. Alors qu'il se livre à un entraînement avec des soldats locaux, il prend une balle perdue. Même si l'accident est avéré, un policier est envoyé de Suède pour enquêter et entériner cette version. Voilà donc, Ernst Grip sur place, dans la chaleur de Djibouti, à essayer de démêler des fils qu'il juge plus complexes qu'une simple balle perdue. Et puis, il est également chargé d'entrer en contact et de négocier avec un intermédiaire pour libérer les otages dont nous parlions plus haut. Bien évidemment, les deux affaires pourraient se rejoindre et, surtout, autant l'une que l'autre pourraient se révéler très dangereuses.
Plus qu'une enquête policière classique, c'est un thriller auquel nous convie Robert Karjel. Dans son intrigue, rien n'est simple : les ravisseurs sont peut-être liés à des mouvements terroristes, et des soldats suédois servent peut-être à faire passer de l'argent illégalement depuis ces territoires perdus jusqu'aux coffre-forts suédois. Derrière le Suédois plus ou moins coincé dans le confort de son hôtel, il y a des militaires français (après tout la gestion du territoire est de leur ressort), des Américains qui depuis cette zone contrôlent beaucoup de choses avec leurs drones, et les "indigènes" qui essaient de tirer les marrons du feu en prenant leur part du gâteau. Le roman est alourdi par le climat pesant et la chaleur, et surtout par les non-dits et les faiblesses de chacun - en quelques lignes sont évoqués avec soin les "amis" du milliardaire enlevé qui font tout pour ne pas payer la rançon, les atermoiements des gouvernements. Le héros est décrit de manière intéressante, comme profondément humain, prêt à ruer dans les brancards pour aider, et ce même si la mort de son compagnon sonne de manière un peu lourde et assez cliché. Du sang sur le sable se révèle être une bonne enquête avec des personnages crédibles. C'est aussi une description par quelques touches de la vie et des changements psychologiques des otages, sujet que Robert Karjel doit bien connaître puisqu'il a fait la chasse aux pirates sur les côtes de Somalie. Son histoire laisse in fine un goût amer, le goût amer de la vie.
Citation
Pas la peine de chercher des excuses, reprit Grip. On fonctionne pareil de mon côté. Seulement, votre organisation est gigantesque, tentaculaire. Parfois, la main droite alpague quelqu'un que la main gauche vient de remettre en liberté.