Demain c'est loin

Pardonne-moi, Seigneur, j'ai menti à un policier aujourd'hui. Je lui ai dit que Blake n'avait jamais levé la main sur moi. J'aimerais pouvoir affirmer que c'était pour préserver son souvenir, mais ce serait encore un mensonge. La vérité, c'est que je ne supportais pas l'idée qu'un étranger de plus juge notre façon de vivre.
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Roman - Thriller

Demain c'est loin

Road Movie - Drogue - Urbain - Trafic MAJ mardi 12 juin 2018

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 17 €

Jacky Schwartzmann
Paris : Le Seuil, octobre 2017
182 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-02-137086-7
Coll. "Cadre noir"

La guerre des Buers

François Feldman n'est pas très bien parti dans la vie : pas très grand, pas très mince, un nom de juif, une tête d'Arabe et un domicile dans la cité des Buers, de Lyon. Mais à presque quarante ans, François est débrouillard. Sa petite entreprise est la fabrication de T-shirts à citations parodiques. Il prépare également une autre entreprise : faire venir de la terre d'Algérie pour que les déracinés puissent être ensevelis dans un bout de bled. Reste l'obstacle numéro un : Juliane Bacardi, sa banquière et exacte contraire, peu réceptive à ses idées géniales. Au point que faute de financement, il doit s'adresser à Saïd Belchia, le caïd des Buers... Qui le rejette également. Pas de chance, en sortant de l'immeuble, voilà qu'une voiture folle écrase Ibrahim, le cousin de Saïd. Et qui est au volant ? Juliane Bacardi. Mouillé du simple fait qu'il la connaît, François accepte de l'aider à condition qu'elle lui accorde son prêt. Leur cavale va tester leurs intelligences respectives...
Le roman dit "de banlieue" a mauvaise presse, pas toujours écrit par des auteurs qui savent de quoi ils parlent et qui cherchent trop souvent à jouer le pittoresque a tout prix (quitte à se ridiculiser). Celui-ci est un cas à part : cette fois-ci, on y croit. On croit à ce narrateur jobard mais intelligent, et à ses nombreuses considérations sur à peu près tous les sujets, y compris les tabous. Le tout via une langue faussement décontractée mais en fait extrêmement travaillée, et un rythme effréné réjouissant à l'ère des pavés s'effondrant sur eux-mêmes. Rien de plus bateau qu'un récit de cavale, encore plus entre deux personnages que tout oppose a priori, mais en plus de cette verve, Jacky Schwarzmann a le don de constamment trouver des variations sur ce thème imposé qui relancent l'attention avec une appétence certaine pour l'humour à froid jusqu'à une pirouette finale réjouissante. C'est frais, c'est d'aujourd'hui sans se vouloir branchouille, c'est percutant, et ce roman sans prétentions s'incruste dans la mémoire plus que bien des livres à thèse pesants, au point qu'on a envie de reprendre sa lecture au début pour voir ce que l'on a raté la première fois. On dit bravo !

Citation

C'est pourtant pas compliqué de comprendre qui sont les Français de Daesh. Ce sont des blaireaux de cité qui ne sont pas aimés en France, et qui réagissent à leur manière : s'ils ne sont pas aimés, alors ils seront craints. Le problème, ce n'est pas l'islam, le problème c'est l'absence de regards sur eux. Ils sont invisibles. L'islam ne s'est pas radicalisé, c'est la radicalité qui s'est islamisée. Les petites racailles se sont trouvé un discours, mais leur vraie quête, c'est d'être vues. C'est du terrorisme Afflelou. Du coup, ils vous font un Bataclan, et de leurs ténèbres, semblent nous demander : Et là, tu m'as vu ou bien ?...

Rédacteur: Thomas Bauduret mardi 12 juin 2018
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