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Inédit
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Nouvelle ère pour Mandoline
Luc Mandoline dit l'Embaumeur, ancien légionnaire devenu thanatopracteur (pour ceux qui ne le connaissent pas), officie cette fois-ci dans le port du Havre, où à défaut d'y entendre des marins qui chantent (comme à Amsterdam), s'y entend à démêler le nœud du mystère qui entoure la mort suspecte d'un pendu. Qu'est-ce que la mort d'un pendu peut bien avoir de suspect, me direz-vous ? Eh bien, en l'occurrence, rien, surtout si on regarde en surface. Car, figurez-vous que William Petit (c'est le blase du suicidé) était un des détenus du centre pénitentiaire du Havre. Or, tout le monde sait que la prison n'est pas précisément un lieu qui donne à ses locataires une joie de vivre inébranlable. En plus, le mec était seul dans sa cage au moment de s'embarquer pour le grand départ, vu que son codétenu était, lui, à l'infirmerie pour cause de gastro carabinée. Un grand moment de solitude n'est-il pas l'idéal pour se supprimer ? Ben si, évidemment. Mais alors, donc, quoi ? Eh bien, c'est quand on regarde un peu plus en profondeur qu'on découvre que le suicide de William Petit n'avait aucune raison d'être puisque William Petit ne se trouvait être en cabane que pour espionner son coloc'. Eh oui, les gars, eh oui, les filles, William Petit n'était rien d'autre qu'un flic infiltré. Et son voisin de chambrée, un immonde cloporte, capable de se faire emballer comme du menu fretin (trafic de drogue on ne peut plus courant à notre époque) alors qu'il est en réalité un bien plus gros poisson et dans un secteur autre : celui de la prostitution. L'empaffé serait un vrai dégueu, pédophile, qui prostituerait des mineurs, et qui ne se priverait pas de les violer à l'occasion. Malheureusement, il n'y a aucune preuve. Et sur l'assassinat de Petit non plus. Officiellement, la police ne peut pas enquêter. D'une parce qu'il n'y a aucune raison d'enquêter sur un type qui s'est pendu alors que, je le répète, il était seul dans sa cellule. De deux parce que pour piéger Hamed Balkhar (c'est le nom de la pourriture), il faut que celui-ci continue d'ignorer qu'il a partagé la cellule d'un flic pendant plusieurs semaines. Résultat des courses, c'est l'Embaumeur qui s'y colle. Et comme Balkhar vient de purger une de ses nombreuses peines, il dispose, avant sa prochaine incarcération (vive la justice française) d'un espace de liberté qu'il va pouvoir mettre à profit pour faire évoluer ses petits trafics. Qu'il croit. Car ça risque de coincer un peu. Mandoline et ses potes (Sullivan et Arlock) sont sur le pied de guerre. Pour Balkhar, la liberté va s'avérer être beaucoup moins agréable que la prison.
Pour ceux qui l'ignoraient encore, le principe de "L'Embaumeur", qui est le même que pour "Le Poulpe" (en sommeil depuis 2015), est le suivant : une série ("L'Embaumeur" donc), un héros (Luc Mandoline), et un auteur différent pour chaque nouvel opus. Ce coup-ci, et ce n'est que justice que ça lui tombe sur le coin de la tronche, c'est Stanislas Pétrosky qui s'y colle. Le Normand abandonne le temps de quelques pages la soutane de Requiem le curé de choc, mais pas sa ville adorée : Le Havre. Son style reste brute, ses dialogues percutants, son intrigue efficace, et on sent qu'il s'est beaucoup amusé à être infidèle à Esteban Lehydeux. Stanislas Pétrosky n'est pas Agatha Christie et il le sait (pis il s'en fout et il a bien raison). Le plaisir de le lire vient avant tout du langage fleuri et de l'univers qu'il trimballe avec lui et dans lequel il est aisé d'entrer car il fait tout pour nous y accueillir chaleureusement. Si je devais tenter une métaphore à la con (vous êtes prévenus), je dirais que Pétrosky n'a qu'une seule bagnole mais qu'il sait la conduire sur n'importe quel terrain sans tomber en carafe (oui, je sais, mais vous étiez prévenus). L'Histoire retiendra que pour "L'Embaumeur", collection initiée par Sébastien Mousse, le parcours a commencé à l'Atelier Mosésu. Désormais, c'est avec l'impressionnant et attractif catalogue de French Pulp que la route va se poursuivre. Le voyage promet d'être de qualité. Alors, rendez-vous à la prochaine escale !
Citation
Deux semaines, deux longues et interminables semaines que je me terre au Havre. Je mate par la fenêtre et me demande bien ce qu'il m'a pris d'accepter ce remplacement. Faut vraiment que je sois con parfois, j'en avais un autre possible du côté de Menton. Le sud, une terrasse au soleil, un bouquin entre les mains, une poignée de noix de cajou et une bonne bière bien fraîche, du genre Gouden Carolus Tripel par exemple. Mais l'idée d'inviter Élisa pour un week-end sur Étretat, envie de siffloter 'Le gentleman cambrioleur' de Dutronc dans la patrie d'Arsène Lupin au bras de la belle... On a beau être un ancien légionnaire, jouer du poing et du calibre, on peut être romantique, merde !