Méjico

Même si le cœur de Caleb Donaghy a refusé de repartir, même si vingt-trois minutes de réanimation n'ont rien changé, c'est moi qui l'ai tué. J'aurais pu continuer. Il était branché à la pompe : j'aurais pu continuer pendant des heures. J'aurais pu lui injecter davantage d'adrénaline, droit dans le cœur. J'aurais pu essayer beaucoup d'autres choses pour tenter de le sauver. Mais j'ai délibérément choisi d'arrêter.
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Roman - Noir

Méjico

Politique - Braquage/Cambriolage - Guerre MAJ lundi 17 septembre 2018

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Antonio Ortuño
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Marta Martinez Valls
Paris : Christian Bourgois, septembre 2018
254 p. ; 20 x 12 cm
ISBN 978-2-267-03096-9

Idéologie et motivations

De l'Espagne des années 1920 au Mexique des dernières années, les tribulations de plusieurs générations d'Espagnols qui se retrouvent à lutter contre leurs démons et certains de leurx auxiliaires.
Tout débute à Guadalajara en 1997 quand Omar, au lit avec sa cousine Catalina, comprend qu'il va mourir des mains de Mariachito dont il n'attend aucune pitié : Mariachito est un honorable petit truand qui dirige une espèce de syndicat ferroviaire en déliquescence. Mariachito est surtout l'amant attitré de Catalina, une femme fatale brocanteuse, avec laquelle il a fait affaire. Mais l'histoire ne se déroule pas comme prévu. Catalina et Mariachito s'entretuent, et Omar prend la fuite, éperdu, car dans l'ombre Poncho, l'homme de main, le poursuit de sa haine. Alors, il songe à son passeport espagnol qui traine dans un tiroir de son appartement. Et c'est ainsi que l'on comprend que tout ne débute pas à Guadalajara en 1997 mais à Madrid en 1922, pour se poursuivre dans les champs d'Aragon en 1938, encore à Paris en 1945, enfin à Veracruz en 1947. Le récit d'Antonio Ortuño possède une belle veine épique et romanesque. On suit l'histoire dans la grande Histoire d'une famille d'exilés espagnols qui ont fait la guerre civile au côté des anarchistes. Surtout on essaie de suivre les pas de María et de Yago à travers les conséquences d'un conflit perdu d'avance. María, c'est le déclencheur. Celle qui dans le tumulte des années 1930 a choisi son homme au détriment d'un autre, qui entendra leur faire payer cher. Yago, c'est des idéaux en veux-tu en voilà, c'est aussi une plume républicaine reconnue. Mais derrière cette fuite éperdue qui les fera croiser un juge jamaïcain qui écrit des sonnets, il y a aussi la disparition d'un camion avec une partie de l'or des Républicains, et un manuscrit qui refera surface soixante-dix ans plus tard. Le roman est truculent, se lit d'une traite. Il conserve une beauté idéologique quant à la guerre d'Espagne avec ses rivalités. Anarchistes et communistes unis dans la désunion, et qui luttent vainement contre des forces fascistes qui ont l'appui total de Hitler et Mussolini. Et puis les hommes qui parsèment ce roman sont de petits héros nihilistes à l'image de León Almansa qui fuira l'Espagne, rejoindra la Légion étrangère et participera à la libération de Paris – un pied de nez à une certaine France, celle qui a accueilli les réfugiés espagnols au lendemain de la victoire de Franco avec résignation avant de sombrer sous les bottes de ceux qu'elle n'a pas entendu venir. Par sa succession de chapitres qui éparpillent l'intrigue et déstructurent la narration et la chronologie des faits, le roman d'Antonio Ortuño réussit à capter une attention nostalgique de ces hommes et de ces femmes qui sont un peu les derniers des romantiques et qui tous cultivent avec beaucoup de conscience leurs failles. Mais tous ont également un autre point commun, plus sentimental. Méjico, c'est là où tout finit avec beaucoup d'esbroufe et un peu de courage. C'est l'humain dans ce qu'il a de plus beau et de plus triste, de plus vile et de plus héroïque. C'est surtout un roman universel sur l'idéologie et les motivations.

Citation

Ce fut raté. Le sel des années avait blindé la peau du voisin et celui-ci ne sortit jamais du droit chemin. Sa famille fut soulagée lorsque la mère de Concho dut vendre sa maison pour aller vivre avec son fils dans un taudis loué au pied de la colline, imprégné d'une odeur de chèvre et de crotte qui n'était autre que celui de l'échec.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 17 septembre 2018
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