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Homme en reconstruction dans paysage en ruines
Même s'il a vieilli, on imagine très bien que, si un film était tiré de ce roman de Jean-Pierre Rumeau, les services de Clint Eastwood seraient requis pour jouer le rôle principal, celui de Pasdeloup. À quel personnage avons nous affaire ? Celui d'un démineur des services militaires français qui a traîné ses guêtres sur l'ensemble des théâtres d'opération du monde et qui est revenu de tout. Comme il a connu l'amour, mais que sa fiancée est morte lorsqu'un avion s'est écrasé sur son quartier, il a investi ledit quartier pour ses vieux jours et entend bien y vivre en toute sérénité. Mais cet endroit est l'objet de convoitise, et il n'hésite pas à faire régner sa loi, en vieux bougon qui dit ses quatre vérités lorsqu'il le faut. De fait, c'est bien le lieu, le vieux pays, qui est le centre de l'histoire. Certains des lecteurs ont déjà vu un reportage et connaissent le village de Goussainville. Situé en bord des pistes de l'aéroport parisien de Roissy, le village a été abandonné, mais n'a pas été démoli, et certains y vivent encore sous les bruits incessants des avions qui décollent et atterrissent. Parfois, d'ailleurs, ils s'écrasent d'où le veuvage prématuré du héros.
Jean-Pierre Rumeau décrit ce microcosme où se mélangent plus ou moins harmonieusement différents types de résidents : des gens qui vivent vivre "tranquillement" à l'écart de tout - un vieux libraire et sa compagne, une jeune femme qui fera le ménage chez le personnage central, un professeur d'arts martiaux, et d'autres qui sont là pour échapper au regard de la loi, petits trafiquants et squatters que Pasdeloup surveille et chasse si besoin. En même temps, ce dernier s'occupe de l'entretien de l'église et de ses alentours, laissés en friche malgré qu'il y ait encore un curé qui passe, par souvenir de sa belle et tendre. Lorsqu'un terroriste utilise la crypte de SON église pour entreposer des armes qui vont lui servir pour créer un attentat contre des avions, Pasdeloup veut régler le problème tout seul. Des années plus tard, d'autres viennent et veulent continuer l'œuvre terroriste et se venger du démineur...
Dans ce roman, le personnage central, même s'il emprunte à une figure archétypale - le vieux dur à cuire, bourru mais sensible, prêt à tout pour régner sur son petit royaume -, est dessiné avec soin et une petite dose d'humour. Autour de lui, grouille une humanité avec ses bons et mauvais côtés : un terroriste aux visées sanglantes, mais qui a des facettes humaines, une femme de ménage et un chauffeur de taxi, une famille d'amis israéliens, un ancien libraire et sa femme, un curé, eux aussi étant plus que des silhouettes ridicules, mais avec en quelques lignes une humanité profonde ressortant de leurs pensées ou actions.
L'idée d'utiliser le décor de ce village est intéressante. Celui-ci oscille entre ruines et maintien, coincé dans une zone de désertification à cause d'une modernité envahissante mais qui résiste et survit, comme les mauvaises herbes qui s'entêtent à poisser au milieu des périphériques, comme une métaphore de notre animalité et de nos instincts premiers (pas forcément négativement : l'amitié, l'entraide sont aussi des instincts premiers parfois) toujours cachés, enfouis, mais prêts à ressurgir au moindre besoin. Cette idée de Goussainville sert de charpente à une histoire à l'intrigue classique, racontée de manière un peu chahutée chronologiquement à l'image des personnages qui auraient pu avoir un parcours normal mais que la vie a fait bifurquer, que l'absurdité de la condition humaine a transformé, comme cet avion surgi de nulle part et qui s'écrase pile au moment où Pasdeloup croit avoir enfin trouvé le bonheur et la paix de l'âme.
Une belle surprise.
Citation
Pasdeloup court jusqu'à la caravane. Avec une moue de regret, il dépose son pistolet sur la caisse d'explosifs puis déclenche son chronomètre.