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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Aronson, Emmanuelle Aronson
Toulouse : Monsieur Toussaint Louverture, février 2019
384 p. ; 19 x 12 cm
ISBN 979-10-90724-45-7
Poids moyen mais humble
Le roman de Wilfred Charles Heinz, Ce que cela coûte (1958) pourrait aujourd'hui avoir sa place en "non-fiction" dans les librairies. Son auteur, ancien correspondant de guerre, a surtout été un journaliste sportif qui s'est intéressé à la boxe et au football américain. Sous le pseudonyme de Richard Hooker, il a également écrit M.A.S.H. Un ouvrage immortellement adapté au cinéma par Robert Altman et qui se conclue par une séquence inoubliable sur fond de rouerie lors d'un match de football américain. Dans le présent roman, on suit le quotidien d'Eddie Brown, un poids moyen en boxe, en route vers sa destinée et le titre mondial de sa catégorie. Entraîné depuis neuf ans par son manager Doc Carroll, il est suivi dans son quotidien par le journaliste sportif Frank Hugues qui doit écrire un long article sur sa préparation pour un magazine. Eddie Brown, c'est un boxeur méconnu au palmarès intéressant : quatre-vingt sept combats dont quatre-vingt-quatre victoires jalonnent un parcours semé de KO, mais surtout de sacrifices. Car en 1958, si les matchs importants ont bien lieu au fameux Madison Square Garden de New York, la télévision a fait une entrée presque aussi fracassante dans le sport que la mafia. Cette dernière sera globalement éludée dans le roman alors qu'il sera question à plusieurs reprises de paris, et de rares occasions où les boxeurs se couchent sur le ring. Le sport est devenu un spectacle. Et Eddie Brown est le passeur de témoin entre les anciens et les nouveaux temps. Le personnage de Doc Carroll est à l'image de la boxe qu'il promeut. L'archaïsme de l'un des sports les plus nobles confronté à la modernité qu'il rechigne à accepter. Eddie Brown, il en est sûr, est un boxeur qui a assimilé l'essence même d'un sport instinctif. Il gagnera, ça ne fait aucun doute. C'est presque une loi mathématique à laquelle adhère le journaliste Frank Hugues, qui s'immisce avec patience et délicatesse dans l'univers et le quotidien d'Eddie Brown. Le combat ? Il ne dure qu'un court chapitre, vers la toute fin du roman. Ce que cela coûte, raconte la boxe, sa technique et ses privations. C'est aussi un roman qui dépeint un quotidien fait de rivalités et d'amitiés nées hors et sur les rings. C'est surtout un roman de mœurs qui aborde le racisme, la condition féminine, l'esseulement et l'isolement, l'alcool. Installée dans un hôtel qui ressemble à un chalet suisse, toute une équipe se retrouve au service du boxeur. Il y a d'anciennes étoiles montantes déchues qui tiennent lieu de sparring-partners. Des camarades qui débarquent et un qu'on rembarque à la morgue. Un quotidien marqué de réveils tôt le matin avec un programme bien rythmé sur fond de courses à pied et d'alimentation spartiate. Et puis il y a surtout les échanges entre deux hommes qui se respectent : Eddie Brown et Frank Hugues. C'est leur solitude qui est mise en avant. Le journaliste ne le sait peut-être pas mais il carbure au whisky. Plusieurs personnages se retrouvent dans un huis-clos pendant un mois afin qu'Eddie Brown atteigne son pic de performance à quelques jours de son combat. Lui, il a une femme et un fils, qui viendront lui rendre visite à une seule occasion. Il est intéressant de noter les trajectoires opposées du boxeur dans le roman Ce que cela coûte, de Wilfred Charles Heinz et dans l'un des plus beaux films noirs sur la boxe, Nous avons gagné ce soir, de Robert Wise, avec Robert Ryan. On ne peut pas ne pas faire le rapprochement de par la thématique et la destinée, et de constater que des trajectoires opposées peuvent parfois se recouper. Les deux titres sont deux phrases antagonistes et révélatrices de la dureté de ce sport. Ernest Hemingway a qualifié l'ouvrage de plus bel essai sur la boxe. Force est de constater qu'il n'a pas tort.
Citation
Mele n'était pas réputé pour être un tendre. Il avait tout du malfrat. Il en deviendrait un vrai deux ans plus tard, quand on le retrouverait dans un caniveau du Lower East Side avec assez de plomb dans le corps pour fondre un bataillon de soldats. Un gros bataillon.