Contenu
Meurtre à Montaigne
Grand format
Inédit
Tout public
256 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-97417-27-7
Coll. "Chemins Nocturnes"
Une teigne chez Montaigne
Estelle Monbrun nous avait enchantés avec Meurtre chez tante Léonie, un roman policier classique empreint de ses vastes connaissances proustiennes qu'elle distillait comme autant de petites piques. Si d'autres romans, qui étaient autant d'enquêtes littéraires suivant une thématique d'auteurs, avaient suivis, avec toujours de grandes qualités, nous avons dû faire avec une pause de dix ans. Aussi est-ce une bonne nouvelle que de découvrir ce Meurtre à Montaigne. L'auteure utilise une recette qui a déjà fait ses preuves, et nous embarque en compagnie de trois universitaires spécialistes de Montaigne (Michel Lespignac, Claire Darsac, Reginald Fischer-Smythe, autant d'archétypes d'universitaires plus ou moins pédants et imbus d'eux-mêmes, plus ou moins sympathiques avec leur propre intégrité), et de Mary O'Gryan, une jeune étudiante américaine, un tantinet naïve et en quête d'affection, fraichement débarquée à Paris et qui va être amenée malgré elle au cœur d'un complot familial et culturel par une certaine Caroline Martin. Heureusement, elle pourra compter sur le commissaire boiteux Jean-Pierre Foucheroux et sur son ancienne assistante particulièrement efficace Leila Djemani. Les deux enquêteurs vont suivre deux pistes en apparence distinctes, celle de l'enlèvement d'une enfant dont Mary avait la garde, et celle de la défenestration d'un étudiant aujourd'hui dans le coma, depuis le haut d'une tour du château de Montaigne ; un étudiant amoureux d'une certaine... Caroline. Caroline dont le nom s'avérera omniprésent dans cette histoire. Le roman est une suite d'alternance de chapitres courts qui nous emmènent en compagnie de certains protagonistes à la rencontre de la vérité (certains chapitres nous font découvrir les pensées de l'auteure de la machination). L'enquête avance cahin-caha au pays des "3 M" (Montaigne, Montesquieu et Mauriac), et si Estelle Monbrun plante son décor dans l'univers du premier, elle est à n'en pas douter influencée par le troisième lorsqu'elle dépeint une certaine bourgeoisie (presque) bordelaise avec son atmosphère délétère et asphyxiante. Car plus que l'enquête classique (avec un couple d'enquêteurs bien brossé avec – pour une rare fois – la compagne de l'enquêteur Foucheroux qui est moteur des relations sentimentales et familiales), ce qui importe ce sont bien les rapports en putréfaction que les différents protagonistes nourrissent entre eux. Que ce soit au niveau universitaire, fait avec beaucoup de causticité et de fiel, qu'au niveau familial où les non-dits pullulent, non-dits qu'appréciait l'auteur du Mystère Frontenac. Et c'est bien ce sentiment étouffant et oppressif qui est joliment réussi dans Meurtre à Montaigne sur fond de paysans qui ont cru bien faire et de rouerie de part et d'autres avec une mise en abime de l'enfant bâtard et de comment il se bâtit. L'intrigue repose sur une supercherie faite à plusieurs niveaux, qui empreinte (presque) au roman ésotérique. Elle a le mérite d'intriguer, et l'on se prend à vouloir lire ou relire Les Essais de Montaigne. On saurait rêver pire comme moteur d'élévation spirituelle et culturelle. Encore une fois, Estelle Monbrun a réussi son coup : une intrigue légère qui soulève des drames, écrite avec un talent certain qui nous rendrait (presque) intelligent.
Citation
Au moment où Reginald Fischer-Smythe arrivait sur la place du village, il vit sortir d'une voiture noire, par la portière gauche, un homme qui devait avoir la soixantaine, un livre dont il ne reconnut pas la couverture à la main, et de l'autre côté une grande femme plus jeune aux cheveux frisés, qui se dirigèrent immédiatement vers lui. Il pensa qu'il s'agissait de touristes en quête d'autographes mais fut rapidement détrompé.