Mictlàn

Oui, je cours pour ma forme, vu qu'on ne me laisse pas courir après le crime. Eh, vriend, ça va aller, on va encore le faire pour les victimes et récupérer un peu de butin, hein ?
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Roman - Noir

Mictlàn

Social - Huis-clos - Road Movie MAJ lundi 13 janvier 2020

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 17 €

Sébastien Rutés
Paris : Gallimard, janvier 2020
160 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-07-287057-6
Coll. "La Noire"

Actualités

  • 11/03 Librairie: Pas de littérature pour Quilombo
    Sébastien Rutés est un homme au charme discret ce qui ne l'empêche pas de nous proposer des romans au style percutant quand il n'est pas déjanté. De lui, spécialiste des littératures hispaniques policières, inconditionnel de Paco Ignacio Taibo II, on avait fort apprécié Mictlán, une revisitation inspirée du Salaire de la peur. Le voilà de retour avec Pas de littérature !, sorte d'hommage à la "Série noire" en compagnie d'un traducteur malhabile qui se retrouve mêlé à une histoire de gangsters. Une enquête littéraire mais pas que. C'est de ce livre dont il sera question, en compagnie de l'auteur, le jeudi 31 mars 2022 à partir de 20 heures à la librairie parisienne Quilombo. Rappelons que Quilombo désigne une communauté brésilienne organisée d'esclaves marrons, et que le terme tire son origine du kimbundu, une langue bantoue de l'Angola. Mais ça, il est fort à parier que Gringoire Centon, le personnage malheureux du roman de Sébastien Rutés, ne le sait pas !

    Librairie Quilombo
    Date : jeudi 31 mars
    Horaire : 20 heures
    Adresse : 23 rue Voltaire - 75011 Paris
    Métro : Rue des Boulets ou Nation
    Liens : Pas de littérature ! |Sébastien Rutés

En attendant la Mort

Cité au début du roman, Sébastien Rutés revient avec une version particulière du Salaire de la peur. Dans ce roman, adapté au cinéma, deux camionneurs devaient emmener un camion bourré d'explosifs vers l'endroit où il serait utile. Mais le voyage était compliqué. Pourtant il y avait encore un solution, une possibilité, un sens à cette vie. Dans celui de Sébastien Rutés, dès le début nous sommes face à un monologue intérieur, celui d'un personnage qui est lui aussi camionneur. Mais son voyage a-t-il un but ? Sa cargaison a-t-elle une utilité ? De fait, il soliloque sur la mort et la violence, sur cette mort qui est au cœur de l'humanité, sur cette obligation dans le pays décrit (sans doute le Mexique, ou de manière plus générale l'Amérique latine, mais comme les personnages ne sont pas nommés autrement que le Gros et le Vieux, c'est même universel) de se livrer à la violence, d'écraser ou de tuer l'autre avant qu'il ne vous tue, comme si le seul but était de tuer pour retarder un peu sa propre mort. Tout part d'un faits divers et d'une idée : on est obligé de conserver les corps des morts tant que le procès de leurs assassins n'a pas été organisé. Or qui découvre les coupables dans un monde où chacun lutte contre chacun et où la police et l'armée tuent de leur côté ? Pour éviter qu'on ne voit trop de cadavres - car les morgues et les chambres froides des bouchers sont déjà remplies des corps des victimes -, et qu'ainsi explose son incurie judiciaire, le gouverneur fait-il mettre les morts dans des camions frigorifiques qui parcourent les routes du pays sans jamais s'arrêter (avec ici une référence de par le titre et l'image à la mythologie aztèque). Deux convoyeurs sont ainsi sur la route, pissant par la fenêtre, se relayant au volant. Mais l'un d'eux est obnubilé par sa cargaison car il se pourrait que sa fille fasse partie des sacs noirs enfermés à l'intérieur, et le second, rongé par les pensées, a du mal à dormir car les morts lui parlent, crient dans son sommeil. Ils savent qu'ils ne peuvent s'arrêter car des policiers ou des paramilitaires les observent pour savoir s'ils font bien leur travail. Dans ces conditions, comment faire lorsque la remorque frigorifique risque de tomber en panne, quand l'on fait faire une pause pour nettoyer le camion, quand des voleurs essaient à tout moment de vous voler votre cargaison, quand peut-être les ennemis du gouverneur veulent arrêter le camion pour faire exploser le scandale ?
Sébastien Rutés est un écrivain discret mais auteur d'une œuvre de qualité, souvent tournée vers l'Amérique latine qu'il apprécié (il a écrit une analyse intéressante sur Paco Ignacio Taibo II il y a quelques années) ou vers des histoires qui savent manier nouveauté et étrangeté (La Mélancolie des corbeaux où l'enquête est menée par, justement, cette bestiole). Il signe là un texte court (et c'est logique) construit avec soin, servi par un style qui manie avec grâce les ruptures (scènes d'action, monologues intérieurs, psychologie des personnages, moments de fantasme ou de fantastique, onirisme) pour raconter un récit qui mélange le plus grand réalisme avec l'absurdité de la condition humaine. L'humanité qui s'agite n'est que le stupide mouvement des gens pour oublier que nous sommes mortels, ce qui est, finalement, une excellente définition du roman noir.

Citation

Inconsciemment, Gros a placé au premier rang les corps les mieux préservés. Les autres, les torturés, les démembrés, ceux qui ont passé trop de temps dans les fossés restent à la limite du cercle, dans l'obscurité, comme s'ils hésitaient à franchir la dernière étape de leur voyage.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 13 janvier 2020
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