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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Christilla Vasserot
Paris : Christian Bourgois, février 2020
186 p. ; 20 x 12 cm
ISBN 978-2-267-03194-2
Fantaisie littéraire
Le romancier mexicain Martín Solares n'est pas connu pour ses écrits légers. C'est d'habitude un auteur de livres noirs qui s'attardent sur la société mexicaine contemporaine. Changement radical de décor avec Quatorze crocs. L'intrigue nous amène dans un Paris fantasmé et fantastique en plein entre-deux-guerres. On suit les déambulations de Pierre Le Noir, un jeune policier de la Brigade... nocturne... Autant dire que ses investigations ne manqueront pas de le plonger dans un univers gothique. Donc, dans une ruelle sombre, devant un café illuminé, le corps sans vie et surtout exsangue d'un homme est découvert. Il a des traces de morsures. Quatorze. Plus tard, on apprendra qu'il s'agit de sa seconde mort, et que c'est un faussaire de renom. Dans le café, les témoins sont bien plus rares que les buveurs. Pourtant, il se trouve qu'il y a un fantôme, celui d'Oscar Wilde, pour jouer les indics. Et Pierre Le Noir se retrouve à suivre, voire poursuivre, Marishka, une ravissante créature, du type à ensorceler un héros romantique. L'enquête s'annonce tortueuse, mais elle est littéralement balisée, et notre héros, bien aidé par des forces surnaturelles et un héritage personnel, va pourchasser un ennemi dans des contrées underground insoupçonnées. Un ennemi aux origines très anciennes et qui bénéficie de l'appui de Bismarck. Surtout, il ne saura vraiment jamais à quel point la mort qui rôde est prête à lui jouer plus d'un mauvais tour. Et toutes les pistes semblent mener à Man Ray, un artiste qui a le vent en poupe, et dont les clichés sont révélateurs de son esprit. L'intrigue virevolte de-ci de-là avec beaucoup d'insouciance. L'auteur a privilégié un côté fantaisiste qu'il agrémente de quelques notions gothiques, historiques, culturelle et géographiques. Il arrive à nous emmener à travers son Paris, qui est celui qui a hérité des catacombes. Le style est sans fioritures. Le roman pourrait être un roman jeunesse tant il emprunte au genre fantastique dans ce qu'il a de plus léger. Surtout, outre ses monstres sortis des enfers germaniques, Martin Solares convoque toute une myriade de célébrités de l'époque qui ont fait de Paris ce qu'elle est (encore malgré tout) aujourd'hui. Et il ne se gêne absolument pas pour les noircir. On appréciera le côté libertin de Man Ray, l'apparition fugace de Kiki de Montparnasse, les petites joutes surréalistes, vraiment surréalistes, l'irruption d'un certain Pasteur et les escarmouches entre Picasso et Picabia. Quant à l'histoire en elle-même, très légère, elle ne sert surtout qu'à planter des éléments. Même si la fin est ouverte, on ne sait s'il y aura une suite. Pourtant, elle est bien présente à l'esprit du lecteur à la fin de ces quelques deux heures de lecture. C'est à la fois plaisant et distrayant. Un bel hommage au Paris des années 1920.
Citation
Mets tes lunettes noires, s'il te plaît. Il y a des choses qui ne peuvent pas se dérouler devant un œil humain.