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Retour de service
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Isabelle Perrin
Paris : Le Seuil, mai 2020
302 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-02-143319-7
Le Carré de service
Avec Retour de service, John Le Carré nous propose un roman d'espionnage dans la Grande-Bretagne d'après le Brexit avec un vétéran des services secrets qui se retrouve au milieu d'une machination, exutoire de la paranoïa. Un récit à la fois sobre et brillant qui n'oublie pas d'explorer les pans de la société britannique.
Tout débute avec un personnage sympathique et plein d'interrogations quant à son avenir. Ned a quarante-sept ans. L'âge d'être mis soit à la retraite forcée soit au placard forcé. Pourtant, c'est un vétéran de haute lutte, qui n'a jamais souhaité monter dans la hiérarchie et qui connait les Russes comme (presque) personne. Marié à Prue, une avocate de renom dans les milieux gauchistes des ONG, père d'une post-adolescente légèrement rebelle et particulièrement condescendante vis-à-vis de lui, il est de retour au pays, au foyer et au club de badminton local dont il est le champion. C'est alors que surviennent deux événements. Le premier est professionnel : il obtient la direction du Refuge, une sorte de sous-département Russie où il aura sous ses ordres des vieux agents usés et Florence, une nouvelle agente idéaliste et surtout émotive. Le second relève du challenge sportif : Nat, un garçon particulièrement énervant et lui aussi idéaliste, vient le provoquer dans son club pour l'affronter. S'ensuit une relation fraiche qui peu à peu se réchauffe au fil des rencontres particulièrement disputées, et qui voient le plus souvent Nat sortir vainqueur. Mais pour Ned, c'est l'occasion également d'entendre Nat dégoiser sur le Brexit, Donald Trump et les Russes lors de la troisième mi-temps. Mais il y a un problème. Ned est un agent secret. Nat est un agent secret. Alors la rencontre est-elle fortuite ou a-t-elle été manigancée en sous-main, et si oui par qui ? L'histoire devient extrêmement complexe lorsque après une opération de contre-espionnage, Ned avoue à ses supérieurs qu'il connait la taupe en devenir qui se tient devant des agents russes (la rencontre a été filmée avec de gros moyens), et qu'il joue avec elle au badminton presque un lundi sur deux. Sur la sellette, l'agent secret va devoir resserrer son jeu pour enlever la partie, et réveiller tout un tas de contacts qui n'entendaient plus le revoir et aussi s'affranchir des règles qu'on lui impose. Avec John Le Carré, les années passent, les espions aussi mais les jeux de manipulation sont toujours présents. Ce roman n'échappe pas à cette règle. On retrouve dans sa structure en forme de poupée gigogne ce qui a fait le succès des premières aventures de George Smiley, agent iconique de l'auteur anglais. Mais il apporte une touche Brexit qui amène son lot de paranoïa substantielle. Et puis, l'âge aidant peut-être, l'auteur ajoute des éléments diffus domestiques avec des interrogations propres à ses différents personnages. Et surtout, même si ce dont il traite relève de l'Intérêt de la Nation, donc doit être considéré froidement, il laisse se confronter l'intérêt, l'idéologie, la morale et la conscience. Surtout, il nous procure un final haletant dont il a le secret. Retour de service est l'un de ses très bons romans.
Citation
– Son travail comprend-il des agents dormants ?
– Du genre qui s'enfouit dans la merde pendant dix ans et qui s'en extrait pendant vingt ans ? Bien sûr. Valentina gère des dormants, oui. Et quand on dort avec elle, on ne se réveille jamais.