Marseille 73

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Roman - Policier

Marseille 73

Politique - Social - Procédure MAJ mercredi 10 juin 2020

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Dominique Manotti
Paris : Les Arènes, juin 2020
450 p. ; 22 x 16 cm
ISBN 979-10-375-0119-6
Coll. "Equinox"

Saint Théo Daquin

Depuis un quart de siècle, la romancière Dominique Manotti nous offre une vision noire de la France éclairée par son agrégation d'Histoire. Théodore Daquin, commissaire de police (avec une certains idée humaniste de l'ordre social), bisexuel (avec une certaine idée du désordre sentimental), arpente nombre de ses romans désenchantés. Le fait qu'il soit un flic parisien muté à la cité phocéenne n'en fait pas forcément un Belmondo dans l'âme. S'il a son impétuosité, force est de constater qu'il est plus subtil, moins adepte du maniement des armes, et que ses orientations sexuelles sont à l'opposé de celles des héros des films policiers des années 1970-1980. Pourtant, cette histoire se déroule à Marseille en 1973. La ville est la proie d'attentats ciblés contre les Arabes, et elle va basculer lorsqu'un adolescent (arabe) est froidement abattu devant un bar alors qu'il attendait vainement l'arrivée d'une jeune femme dont il était amoureux. Les travailleurs immigrés se mettent alors en grève et demandent plus de justice. À partir de cet instant, Dominique Manotti déroule son intrigue sur fond de racisme et de violence dans une ville meurtrie abandonnée à divers groupuscules (des fascistes aux bandits corses) et à sa police.
L'action se déroule onze années après la guerre d'Algérie. Les militants de l'OAS ont pour la plupart été amnistiés, et ont rejoint une police gangrenée par des nervis d'extrême-droite en une décalque de ce que cette institution a été sous l'Occupation. Le Front national en est à ses soubresauts de sombres sots, et chez les flics, certains sont surs de leur impunité alors une certaine population dérouille. Le commissaire Daquin va donc mener une délicate enquête en marge de l'enquête désastreuse officielle aidé en cela par l'amateurisme conféré à ceux qui pensent être au-dessus des autres. C'est ainsi qu'une des trois douilles aura échappé aux policiers arrivés sur le lieu du crime et qu'elle permettra progressivement de remonter au meurtrier (les deux autres se retrouveront étrangement inutilisables). Heureusement, Daquin pourra compter sur ses deux équipiers, sur certains du SRPJ de Toulon, sur ses relations avec le Barreau, et sur un journaliste.
Dominique Manotti dresse le portrait intéressant, fouillé et tourmenté (ou pas) de plusieurs personnages, qu'ils soient d'un bord ou de l'autre (un flic crétin, une jeune femme confuse, un père flamboyant, un avocat idéaliste, un juge au passé de collabo…). Elle semble énoncer froidement des faits. Le recul que le lecteur a de cette histoire a tendance à l'exaspérer. Les mobilisations actuelles contre le racisme, et plus particulièrement contre le racisme au sein des forces de l'ordre, sont là pour nous rappeler les éternels bégaiements de l'Histoire. Et c'est bien là l'essentiel du travail de Dominique Manotti : une historienne de formation qui habille avec maîtrise et connaissances une intrigue policière sordide. Roman engagé par une militante de la première heure, Marseille 73 est surtout une excellente intrigue noire, qui donne une certaine idée de la France du 14 septembre 1973 quand Le Nouvel observateur posait crument et sans vergogne la question : "Peut-on vivre avec les Arabes ?" Le plus grand succès de l'auteure avec ce roman est surement le parfait équilibre entre Histoire et histoire. Il y a une envolée littéraire, un style qui rappelle les grands romans du XXe siècle sur fond de politique et d'idéaux. On en manque cruellement, aujourd'hui, de ces idéaux et de cette politique. Dominique Manotti est là pour nous le rappeler et c'est tant mieux. Quant à Daquin, héros crépusculaire et somme toute messianique, il partage avec Belmondo un autre point commun : à la fin de son enquête, il repart sous d'autres cieux. Et si lire des romans utiles était la solution aux affres de la société ? Saint Théo Daquin ouvre-nous les yeux !...

Citation

Daquin rentre chez lui en flânant. Difficile de respirer dans cette ville sous tension, avec le souvenir de la soirée du meurtre de Malek, l'attente silencieuse et pesante du frère, du patron du bar et de ses deux jeunes aides, avec la frustration de ne pas pouvoir y répondre, parce que je suis marginalisé, et mon équipe avec moi.

Rédacteur: Julien Védrenne mercredi 10 juin 2020
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