Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Le Sucre 2.0
2004. L'Europe qui fonctionnait à neuf s'est étendue jusqu'à devenir incontrôlable, et pourtant, ce n'est pas encore assez : elle a toujours à se faire pardonner son absence lors de la guerre des Balkans. Il s'agit alors de faire entrer la Bosnie et la Serbie dans cette même union, étendant encore plus cette organisation craquant de toute part – le tout sur l'instigation des Anglais, eux-mêmes téléguidés par l'ami américain désireux de l'affaiblir. Il s'agit aussi de donner à ces pays l'accès au marché européen pour leurs produits agricoles. Arrive alors Jean-Pierre Laussade qui s'ennuie à la direction Europe du Quai d'Orsay où il rédige des rapports que personne ne lit, lui qui rêvait d'être diplomate. Il est nommé à l'Olaf, l'Office Européen anti-fraude, et s'embarque pour Bruxelles. L'entrée des pays des Balkans risque de voir débarquer un afflux de sucre qu'ils produisent, ce que la Fédération des Betteraviers voit d'un sale œil. Et, en effet, l'afflux de sucre en provenance des Balkans augmente d'une façon significative, pour ne pas dire suspecte, ce qui tout d'un coup ne fait plus les affaires des Anglais pressurés par Tate and Lyle, leur plus grand sucrier. La commission fait analyser des échantillons de sucre en provenance des Balkans pour constater qu'il se compose à trente pour cent de cristaux d'urine de porc ! Ce qui veut dire qu'il vient d'ailleurs, de Chine ou d'Inde. Mais étaler la fraude mettrait fin au processus d'intégrations. Et lorsqu'on parle de Balkans et de grosses sommes d'argent, les mafias ne sont jamais loin...
Voici donc un titre qui évoque le fameux roman de Georges Conchon, Le Sucre, mais qui relève plutôt du thriller financier qui fit jadis la fortune de Paul-Loup Sulitzer (mais là, je vous parle d'un temps, etc., etc.) avant d'être quelque peu oublié après les années 1990. Dans ce roman, où l'action se passe majoritairement en dialogues, l'auteur qui connaît bien son sujet pose bien les enjeux : une Europe trop grande, avec déjà les prémices de la pantalonnade du Brexit auquel personne n'osait alors croire, les questions de gros sous et de calculs de boutiquier qui passent bien avant l'ouverture aux peuples (sans pour autant faire le procès systématique d'une vilaine Europe, croque-mitaine bien pratique pour faire passer les compromissions personnelles). Et, bien sûr, la plupart des protagonistes s'occupent avant tout de gérer leur carrière... Si François David se permet nombre de digressions, le tout crée presque par moment ce sentiment de vertige qui, O tempora o mores, était plutôt l'apanage de l'espionnage de papa. Une réussite pour qui s'intéresse au sujet...
Citation
Il avait réussi son examen de passage devant le ministre qui avait dû le trouver suffisamment présentable et servile pour faire l'affaire. Au bout de quelques mois, il avait réussi à comprendre à la fois les rouages complexes entre cabinet et services du Ministère, et surtout, la façon de présenter un dossier pour préserver l'ego du ministre.