La Loi des lignes

Il y a trois ans, quand j'ai commencé à écrire ces romans débiles comme pour me moquer d'un genre que j'avais en horreur, j'étais loin d'imaginer que le succès serait au rendez-vous, que ces livres feraient fureur et que la critique elle-même les prendrait au sérieux.
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Roman - Noir

La Loi des lignes

Ethnologique - Mafia - Finance MAJ vendredi 05 février 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19 €

Hye-young Pyun
Seoneui Beopchik - 2015
Avec la collaboration de Catherine Biros
Traduit du coréen par Lim Yeong-hee
Paris : Rivages, février 2021
232 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5211-1
Coll. "Noir"

Comment vivre face au monde ?

Nous allons suivre l'itinéraire de deux jeunes femmes coréennes. L'une d'elles souffre d'agoraphobie, et vit chez son père mais ce dernier pour maintenir leur niveau de vie s'est endetté. Il reçoit régulièrement la visite d'un petit voyou chargé de récupérer les sommes dues. Un jour, en revenant d'une sortie, elle découvre que sa maison a pris feu. Même si les policiers privilégient l'hypothèse qu'il s'agirait d'une forme de suicide du père, la jeune femme pense qu'il s'agirait d'un meurtre orchestré par ceux qui recouvrent les créances. Elle désire alors se venger. En parallèle de cette trajectoire, une autre jeune femme qui elle est enseignante et, même si elle est parfois en délicatesse avec sa hiérarchie, va se trouver confrontée à un problème plus important. Sa demi-sœur s'est suicidée. Elle veut comprendre pourquoi. Cette dernière s'était elle aussi trouvée engluée dans des affaires de dettes.
Le roman de Hye-Young Pyun est à hauteur de ses personnages - des jeunes femmes qui ne veulent pas changer le monde, mais le comprendre et peut-être tenter d'en réparer quelques fissures. La Loi des lignes s'installe dans le détail de leur vie, dans leur quotidien, ce qui donne tout son sel au texte, car la Corée du Sud demeure un pays encore en friche éditoriale même si les éditions Picquier et plus récemment Matin calme ont ouvert des brèches. Le système des emprunts qui passe des grandes banques aux petites puis à des officines louches, le tout s'imbriquant et fonctionnant dans une sorte de symbiose malsaine, est ici montré, comme une partie importante de la vie du pays, mais créant des drames complexes. Si les deux personnages trouveront des réponses à leurs questions et interrogations, elles retrouveront leur vie d'avant, comme si, après la pluie, on se séchait et l'on oubliait qu'il a plu. C'est cette description du quotidien, perturbé par la mort et le crime, touchant des personnes normales qui essaient de vivre avec, de se reconstruire pour retrouver leur quotidien, cette description humaniste et presque routinière (y compris dans l'intervention d'un personnage de récupérateur de dettes, lui aussi dans son quotidien sombre) qui permet de faire éclater toute la noirceur cachée d'une société, exotique et familière, car rendue avec soin par l'auteur. Il faut bien entendu être sensible à ce charme discret, à cette vie du quotidien, sans flamboyances, ni coup de feu, mais avec la présence d'une vie humaine, restituée avec force et empathie.

Citation

Elle est soulagée de ne pas lui avoir donné l'impression que tout était réglé. Il mérite de vivre dans un monde de ressentiment, où il en veut aux autres et où quelqu'un le déteste. Personne ne l'a entrainé, il s'y est mis lui-même.

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 05 février 2021
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