Contenu
Poche
Inédit
Tout public
340 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-35068-900-5
Coll. "Du noir au Sud", 98
Ma petite entreprise craint la crise
La truanderie, les trafics, c'est du capitalisme et il suffit à Joe d'être le patron, d'être un bon entrepreneur, de ménager ses troupes, pour obtenir beaucoup de cash, des reventes de drogues autour de Pau. Pour cela, il s'appuie principalement sur son bras droit, Moktar (c'est un surnom), qui jongle avec les concepts d'argent bien placé, de retour sur investissement, de paix des quartiers qui permet l'accroissement des bénéfices. Mais la truanderie, c'est aussi des valeurs petites bourgeoises. Moktar a beau être d'origine manouche (pour s'en souvenir, il a garé sa caravane dans le jardinet de sa maison), c'est un mari, un père de famille honorable, qui va chercher ses filles à l'école et leur offre des petits pains, qui surveille les devoirs et donne le bain. Même si c'est parfois difficile de concilier cette vie de famille avec le métier, lorsque des gardes du corps tournent autour de la maison ou que des petites jeunes femmes vous font du gringue. La tentation est forte et l'épouse quand elle apprend des infidélités le prend étrangement très mal. Tout pourrait se dérouler calmement pour Moktar, s'il arrive à contrôler le Bancal, le chef d'une bande de Marocains, qui a accepté de s'associer avec Joe et de se laisser diriger pour avoir plus d'argent. Mais le Bancal rêve d'être le numéro 2. Or, sur les terres du Bancal, un groupe adverse vient chercher des noises, tire à la kalach' et s'enfuit. Des témoins ont vu les tireurs assassins, des noirs. S'agirait-il du gang des Africains dont la zone d'influence borde celle du Bancal et qui sont eux aussi des sujets de Joe ? En tout cas le Bancal aimerait exercer son droit de vengeance. Moktar doit le calmer, en même temps qu'on lui tire dessus, que sa femme lui fait la gueule et que son passé manouche ressurgit avec son plus vieil ami qui vient de se suicider. Et pendant ce temps, Joe, en vrai homme d'affaire, est passé à l'étape suivante : s'introduire dans le monde politique.
Après quelques pages qui plantent un décor calme et paisible, où les trafiquants gèrent le quartier Saragosse à Pau sous l'œil de la police qui laisse courir ce petit monde (sauf évidemment quand il y a des coups de feu et que les journaux s'en mêlent), nous allons suivre Moktar dans sa course effrénée pour régler tous les problèmes qui lui arrivent : une guerre fratricide, des attaques sur son autorité et sur sa personne (et les coups de feu sur sa maison, où il pensait que sa famille était protégée...). En parallèle, il prend un coup de blues avec la mort de son ancien ami, et les retrouvailles tumultueuses avec sa fiancée manouche. Difficile pour Moktar de tout gérer, mais il fonce, semble se dédoubler, esquive et réfléchit, mène l'enquête pour savoir d'où viennent tous ces coups fourrés. On est entre des embûches qui s'accumulent, créant un univers de plus en plus kafkaïen pour Moktar, et une sympathie pour ce personnage qui voudrait juste une vie simple avec sa famille, mais dont les occupations ne sont guère compatibles justement avec cette vie. On oscille donc entre le suspense (pourra-t-il s'en sortir ? D'où viennent les arnaques ?), des moments drôles (les tuiles qui lui tombent dessus de plus en plus fort) et un récit réaliste qui présente le quotidien d'un quartier, avec ses trafics, sa paix achetée, ses flics ripoux, et des truands qui ont parfois des rêves de midinettes (ce que montrera aussi la résolution des diverses "enquêtes" - qui a tué les petits dealers à la kalach' ou qui en veut à ce brave Moktar ?). L'équilibre est parfaitement maitrisé entre les faces noires et celles plus "roses", parfois prêtant à sourire. Ici, Jérémy Bouquin nous offre une excellente lecture.
Citation
Il est à côté, rageur, il tape du pied. Le poing serré, tendu comme un string, l'Arabe. Mes hommes vont réclamer du sang. La vengeance, œil pour œil, tout le baratin.