Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
408 p. ; 20 x 14 cm
ISBN 978-2-35887-729-9
Court chemin entre gloire et mort
Depuis ses débuts, Antonin Varenne a été concerné par les rapports sado-masos, par des personnages atypiques, par les liaisons entre les hommes (ou femmes) et les outils, les mécaniques, les machines. Ces personnages sont souvent mus par une ambition, par une obsession, qu'ils doivent mener jusqu'au bout, quels que soient les risques encourus. C'est encore le cas avec ce livre qui s'installe dans le monde peu usité des courses de moto. Il est arrivé au roman noir de s'inscrire dans le monde sportif, mais à ma connaissance, c'est surtout le monde de la boxe qui a obtenu le plus grand regard des écrivains. La vitesse, le corps à corps avec la machine, les blessures et fractures que l'on traite en renforçant le corps avec des plaques métalliques, l'obligation de se dépasser, la gagne par dessus tout, au risque de la sortie de piste et de la mort, on conçoit aisément que le sujet pouvait intéresser Antonin Varenne.
Le roman s'ouvre dans un hôpital. Julien Perrault a failli gagner une course mais a eu un accident qui a tué un autre coureur et en a gravement handicapé un troisième. Mais Julien Perrault n'a qu'une idée en tête : remonter sur une moto et gagner, même si, pour les amateurs et les autres coureurs, il est devenu un paria. Il se lie avec François, un autre pensionnaire de l'hôpital. C'est un personnage ayant des troubles mentaux, habitué des drogues. Et aussi il retrouve son père, mécanicien expérimenté, avec qui il entretient une relation compliquée. Une équipe de margoulins, de riches peu scrupuleux, veut l'engager pour remonter sur les circuits et profiter de son aura de rebelle. Une équipe pourrait même se monter. Peu à peu, François, le nouvel ami d'hôpital, le père et la médecin psychiatre qui le suit, vont accepter de l'aider pour reprendre la compétition. Même blessé, même avec des difficultés à conduire, même avec un encadrement peu professionnel, Julien Perrault va tenter un come-back.
Roman noir, au sens profond du terme, comme l'étaient justement les romans qui mettaient en scène des boxeurs sur le retour livrant leur dernier combat, promis à perdre pour les profits des bookmakers, Dernier tour lancé est surtout sans concession. Julien Perrault, le personnage, et ses acolytes sont montrés dans leur vie, leurs contradictions, leurs phobies et pulsions, de manière magistrale. Le père mécanicien, en homme blessé, trahi par sa femme qu'il aime quand même, analphabète, doit composer avec ce fils qu'il adore mais ne comprend pas, avec un environnement professionnel où il sait mieux que les autres en étant inculte ce qui énerve. La femme médecin est à la croisée des chemins dans sa vie familiale et professionnelle, et ce coureur obsessionnel, son père mutique, sont comme un vent frais dans sa vie. François est un peintre qui n'arrive pas à gérer sa "folie". Les liens entre les quatre personnages, les descriptions fortes des acteurs du monde de la moto, et de son organisation, conçue comme un grand show qui doit rapporter de l'argent, faire rêver les gens et attirer les sponsors, le quotidien de gens mus par des passions qui les dévorent et les consument. Voilà les éléments qui explosent au cours de descriptions de courses (ou d'entrainements) qui sont rendues avec brio et font frémir (sans dévoiler le suspense, le dernier tour de piste fait se dresser les poils). Les anciens lecteurs de J. G. Ballard (ou ceux qui ont vu le film Crash) trouveront là une nouvelle version ample et forte de ce monde étrange où hommes et machines s'interpénètrent, se fondent, pour former une race mutante, dans une atmosphère érotisée rendue avec soin.
Citation
Au milieu du no man's land hyper blanc, régnait le blockhaus de verre et d'acier des gardiens de nuit, citadelle Vauban inexpugnable, tout en angles d'attaque et mortellement transparent. Mais les héros et les toxicomanes ne renoncent jamais.