Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Qu'est-ce qu'une vie ?
Louis Ferrier est un professeur à la retraite qui a divorcé et qui entretient une relation lointaine avec son ex-femme, ponctuée de coups de main et de remarques vachardes. Ils n'ont pas eu d'enfants, sans que cela ne le trouble. Il vit seul avec son chien, qui change de nom à chaque président, ce qui accorde à Louis une petite revanche sur une vie terne. À l'occasion d'un anniversaire de Mai-68, il regarde un dossier consacré à l'événement et voit une photo de Frans. Frans était une Franco-Américaine qui fut son premier amour, un amour platonique ponctué par un dépucelage étrange, photographié par l'amoureux de Frans. Pour pouvoir s'approcher d'elle, Louis avait même fait semblant d'adhérer au militantisme de Mai-68, dans un groupe d'ultragauche, ce qui lui avait valu quelques semaines d'hôpital lors de sa rencontre avec la matraque d'un policier. Louis décide de retrouver la trace de Frans. Mais entre sa vieillesse qui l'a éloigné des moyens modernes de retrouver les gens et sa petite vie normée, il doit faire appel à un ancien camarade gauchiste, et un policier à la retraite des RG. Mais faut-il vraiment s'obstiner à réveiller le passé ?
Il y a bien une enquête, légère, dans le roman de Christophe Léon, car le policier lui apportera quasiment, par étapes, les éléments nécessaires. Il y a une évocation de Mai-68 et de ses suites, mais à travers la trajectoire d'un étudiant basique, qui a vécu les événements plus pour se rapprocher de sa copine, que par conviction, des convictions qu'il a rapidement placé sous le boisseau d'une carrière de fonctionnaire dans l'Éducation nationale. Le roman dresse le portrait d'un homme terne et gris, qui est passé à côté de la Vie, se contentant d'une trajectoire de vie balisée, normale, sans aspérités. Lorsqu'il pleure sur le passé, il sera difficile de savoir pourquoi exactement il pleure. Serait-ce à cause des chemins non pris, d'un certain ratage, ou alors de ne pas avoir compris ce qui se passait, voire de la "manipulation" dont il a été un expédient nécessaire ? Si le final révèle la résolution de l'histoire de Frans, il ne peut que compléter à quel point cette vie a sans doute été absurde, et par-delà, peut-être en forme de parabole, est-ce une façon de dire que Mai-68 a été une parenthèse vide et ridicule. Frans 68 est un roman qui satisfera donc les amateurs de littérature générale, ceux qui apprécient ce regard désabusé (et noir) sur un événement historique, vu par le petit bout de la lorgnette. À côté des romans classiques, comme ceux de Balzac, Stendhal et Zola qui montraient une société et la façon de s'y insérer pour y réussir, une sorte d'initiation, l'ouvrage de Christophe Léon est une sorte d'inversion : un roman de la désillusion, de la fin des rêves collectifs ou individuels, où même derrière un premier amour se cache parfois de bien mauvaises arrière-pensées.
Citation
Il était réconfortant d'être un survivant. Quand il reconnaissait le nom d'un clamsé, d'un gars qu'il avait fréquenté autrefois, un sentiment aberrant de supériorité l'envahissait.