Contenu
Grand format
Réédition
Tout public
192 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-9572024-2-3
Exhumation de choix
À côté de leurs parutions contemporaines, il arrive que les éditeurs relancent des livres qui font partie de leur fond, mais qui ne sont plus disponibles. Certains en profitent même pour "réviser" les traductions et les rendre plus conformes aux goûts et sentiments actuels. Mais comment faire avec des textes intéressants qui avaient été publiés chez des éditeurs disparus et dont parfois, les droits de reparution sont complexes ? Il y a parfois des solutions. Le détective Ashelbé (dont visiblement le véritable prénom est sujet à caution) est en fait le pseudonyme d'un certain Henri La Barthe qui faisait profession de détective et, outre son métier, qui a écrit quelques textes romanesques qu'il édita avec une société créée pour l'occasion et disparue avec lui. Il y a ce qui pourrait être un recueil de nouvelles ou d'histoires - anecdotes de métier intitulé Les Curieuses enquêtes de M. Petitvillain, détective et deux romans. Or ces deux romans furent tous les deux adaptés pour le cinéma et sont assez connus des amateurs, à la fois du cinéma français "traditionnel" et des amateurs d'histoire policière. Il s'agit de Pépé le Moko et Dédée d'Anvers. Il se trouve par ailleurs que le petit-fils de l'auteur est lui-même écrivain, qu'il a écrit quelques romans policiers au sein d'une œuvre plus vaste (allant de la chanson punk au journal intime), qu'il a fondé sa maison d'édition et qu'il s'est décidé à republier ce roman de son grand-père. Il serait cependant stupide de vouloir limiter l'intérêt du texte à ce simple geste filial, aussi louable soit-il. Pépé le Moko est un roman qui s'inscrit dans la vague des années d'avant-guerre du roman policier français. Une étude de situation et de "mœurs" du milieu des truands, des petites gouapes, à l'argot parisien résonnant aux oreilles et mis en scène dans de nombreux films où s'illustrèrent des grands acteurs de l'époque. Pour les lecteurs moins avertis, rappelons que Jean Gabin offre sa silhouette et son jeu à la version filmée.
L'intrigue du roman est simple : dans la casbah d'Alger, Pépé le Moko est un truand connu qui se cache et gère les affaires criminelles, en une version locale du parrain. Sous le coup d'un mandat d'arrestation, il reste dans la casbah, où jamais la police ne se risquera à venir le déloger. Un inspecteur indigène, pour se faire bien voir de ses chefs, monte un plan pour le faire sortir de son repaire et veut le faire arrêter lorsqu'il sera "en ville". Pour ce faire, il lui tend un piège avec l'aide involontaire d'une belle femme française venue en vacances et désireuse de s'encanailler dans les quartiers chauds de la ville. Étude de caractère qui s'appuie sur des archétypes connus - une belle blonde fatale, une femme indigène, jalouse et possessive, prostituée au grand cœur, un marlou qui voit les femmes plus par leurs bijoux que leurs attraits naturels, un inspecteur rusé -, le récit est à situer entre le mélodrame français dans sa grande tradition, le roman policier qui utilise les codes (l'argot, les coups, la police qui observe et tend ses filets) et une évocation des colonies qui reste un objet de fascination et de répulsion pour les Métropolitains). Ce qui pourrait apparaitre étrange, c'est que malgré ce côté daté - la langue particulière, le côté mélo des situations (même s'il y a par exemple une évocation de la sexualité de la femme blonde qui détone par rapport aux critères de l'époque) - Pépé le Moko a plus que "survécu" et reste, outre l'aspect historique, un roman moderne très intéressant. On se dit même que les deux autres textes auraient sans doute une valeur et qu'une réédition pourrait s'avérer utile. Au vu de la préface du petit-fils, on se dit également qu'il pourrait peut-être aussi une bonne idée d'imaginer un roman sur l'auteur, dont la vie est elle aussi très romanesque.
NdR - L'ouvrage est disponible principalement sur le site des éditions Relatives.
Citation
Les Arabes s'enfuient plus vite encore qu'ils ne sont venus, les charbonniers disparaissent derrière les collines de poussier, toute la vermine du port s'insinue, se faufile, s'évanouit dans les labyrinthes des docks et des magasins généraux.