Contenu
Huit crimes parfaits
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christophe Cuq
Paris : Gallmeister, février 2022
336 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-35178-836-3
Coll. "Totem", 205
Exercice de crime
Avec un roman truffé de références littéraires, hommage au genre policier, et qui s'apparente à un exercice de style sous forme de poupée gigogne, Peter Swanson propose une intrigue récréative avec un détective amateur. Celui-ci, personnage-narrateur, se nomme Malcom Kershaw. C'est un libraire spécialisé en littératures policières dont la boutique, sise à Boston, a été baptisée Old Devils (Vieux démons). Outre les livres et deux vendeurs, l'endroit accueille également un chat qui répond au doux nom de Nero (Wolf, le personnage de Rex Stout). À ses débuts, Kershaw entretenait un blog sur lequel il avait fait sa liste des huit romans proposant huit crimes parfaits originaux*. Quand l'agent du FBI Gwen Mulvey frappe à sa porte, c'est pour lui apprendre qu'elle pense qu'un meurtrier utilise sa liste pour mettre en scène ses propres crimes. Elle entend profiter des compétences du libraire pour qu'il l'aide dans son enquête tout en se demandant si Malcom Kershaw ne connaît pas le meurtrier, voire n'est pas le meurtrier. Il faut bien le dire : le passé de Malcom Kershaw ne plaide pas en sa faveur. Claire Mallory, sa femme, était accro à la drogue. Victime d'un accident de la route, elle est morte alors qu'elle revenait de chez Eric Atwell, son dealer, qui était par ailleurs son amant. Or, ce même Eric Atwell a été retrouvé mort.
Le point de départ est somme toute classique. Les notions de crime parfait littéraire ont déjà été utilisées par le passé (Andres Trapiello, Les Amis du crime parfait) et l'enquêteur libraire spécialisé dans les littératures policières a déjà eu ses heures de gloire (Caroline G. Hart , La Libraire mène l'enquête). Mais Peter Swanson prend le temps de jouer d'une partition classique avec toutes les variations possibles en embrouillant à juste titre son lecteur. Il triche parfois (le lecteur n'est pas omniscient, le détective un peu plus), avoue sa malhonnêteté intellectuelle et nous amène à douter de tous les éléments auxquels on se confronte. L'idée est simple : retarder au mieux l'identité du coupable. Pourtant, les protagonistes qui se baladent dans le roman ne sont pas très nombreux. Un romancier (évidemment policier) et sa femme, un flic à la retraite, deux libraires, trois agents du FBI et le narrateur, qui dès le début nous parle du Meurtre de Roger Ackroyd, histoire de faire porter les soupçons sur lui (les amateurs du genre mystery savent que le premier suspect possible, vite exclu, est bien souvent le meurtrier...). Peter Swanson déroule son intrigue. La parsème de nouvelles technologies (le Darknet qui ne dit pas son nom), dissémine les romans policiers qui l'ont marqué (en donnant envie de les lire ou les relire même s'il donne beaucoup trop d'indices sur les intrigues, qu'il a bien analysées), digresse, fait peser le mauvais temps (il neige beaucoup) sur tout ça, sans oublier de nous offrir des ambiances cosy. Il ne s'évite aucun canon du genre (la bouteille d'alcool empoisonnée, le meurtrier dans un placard) pour un roman hommage qui a juste pour défaut de nous proposer une fin à rallonge.
* La liste des huit romans :
- Le Mystère de la maison rouge (1922) de A. A. Milne
- Préméditation (1931) d'Anthony Berkeley Cox
- A.B.C. contre Poirot (1936) d'Agatha Christie
- Assurance sur la mort (1943) de James M. Cain
- L'Inconnu du Nord-Express (1950) de Patricia Highsmith
- Le Bouillon rédempteur (1963) de John D. MacDonald
- Piège mortel (1978) d'Ira Levin
- Le Maître des illusions (1992) de Donna Tartt
Citation
Dévorer des romans policiers ne vous prépare pas à la vie réelle.