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Routes secondaires
Grand format
Inédit
Tout public
Regarder la brume
Andrée A. Michaud tente d'écrire un livre sur Heather Horne, une jeune femme retrouvée morte quelques années plus tôt. Fut-ce un accident ou quelque chose d'autre. Sa voiture a été découverte dans un fossé, mais le corps plus loin comme si Heather Horne avait été traînée. Il y a peut-être deux chasseurs qui se promenaient par là, dans les neiges, qui savent quelque chose, mais ils disent qu'ils ne sont au courant de rien et refusent de parler même des années plus tard. Ils menaceront même l'auteure qui se balade en voiture du côté de leurs maisons. Mais les choses sont peut-être plus compliquées que ça car, pour écrire, la romancière s'est mise dans la tête de la victime et semble parler par sa bouche. Des éléments de sa propre vie et de ses relations avec son mari semblent devenir des éléments de l'histoire de son personnage. Ou alors, Heather Horne n'est pas vraiment morte, mais est devenue amnésique et essaie de se souvenir de son histoire et du pourquoi de son accident.
Le récit d'Andrée A. Michaud se déroule entre des souvenirs qui restent flous, une indécision qui fait que le lecteur ne sait pas toujours qui est le narrateur de ce qu'il lit. À l'image des décors enneigés de l'intrigue, des brumes et des flocons perturbent constamment la vision du lecteur qui continue cette lecture comme hypnotisé par les phrases s'enchaînant, par des redites et répétitions, par des scènes qui reviennent, légèrement différentes, comme dans les grands textes du nouveau roman. Plus l'intrigue avance et plus les certitudes tombent : avec qui est-on ? Est-ce Heather Horne qui raconte ? Ou bien Andrée A. Michaud, de plus en plus obnubilée par son personnage et qui fantasme sur elle ? Sitôt que l'on croit attraper une piste plus sérieuse, découvrir un indice capital, il nous glisse entre les doigts, s'évanouissant comme lorsqu'on essaie désespérément de retrouver un rêve au petit matin. Du coup, peu à peu, des images hantent le roman, surgissent au détour d'une page, l'intrigue se rythme au passage des oiseaux ou de papillons qui volettent puis s'évanouissent. Tout est évanescent comme dans les grands récits fantastiques du XIXe pour constituer un roman noir étrange où le fait divers, sa réalité, sa réinterprétation par une auteure, sont des leitmotivs qui se répondent sans pour autant donner une réponse définitive. C'est sans doute pour cette raison que ce roman d'Andrée A. Michaud, qui se situe bien dans la continuité de son œuvre, mais qui effleure encore plus les marges (arpentant les routes secondaires plus que les autoroutes balisées), n'est pas édité au sein de la collection "Rivages-Noir" mais dans une collection généraliste. Pourtant, par son écriture fine et ciselée, par son thème, aussi captivant que le reste des romans d'Andrée A. Michaud, Routes secondaires mérite à ce titre d'être dans la bibliothèque de l'amateur de romans noirs.
Citation
Il me semble avoir marché durant des mois et des mois sur un terrain instable où je m'enfonçais à chacun de mes pas et où tous mes repères se fondaient dans une poudreuse qui m'aveuglait.