Contenu
De brindilles et d'os
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Benjamin Kuntzer
Paris : Pygmalion, février 2022
208 p. ; illustrations en noir & blanc ; 21 x 14 cm
Coll. "Imaginaire"
Il était deux fois
Jacqueline et Jillian, vraies jumelles de parents négligents, grandissent confinées dans les rêves de famille idéale de leurs géniteurs. À la première, désignée "fille", les robes de princesse et les bonnes manières, à la seconde, vue comme le "garçon", les cours de foot et les cheveux courts. Autant dire que lorsque les deux sœurs trouvent, dans leur grenier, un mystérieux coffre s'ouvrant sur un escalier, elles se précipitent pour l'emprunter, et atterrir dans les Landes, un monde mystérieux et crépusculaire, où elles deviennent Jack et Jill, respectivement apprentie d'un savant fou et fille d'un seigneur vampire. Alors qu'elles vieillissent et s'éloignent l'une de l'autre, la porte vers notre monde (qu'elles ne voudraient de toutes façons pas emprunter) leur reste hermétiquement close.
Second volet du cycle des "Enfants Indociles", De brindilles et d'os se situe en fait en amont du précédent volume, Les Portes perdues, et retrace l'itinéraire de deux des protagonistes les plus mystérieuses de l'Institut d'Eleanor West. Aussi dissemblables que physiquement identiques, les deux sœurs y présentaient des caractéristiques étonnantes qui trouvent ici leur explication. Et si, dans ce premier volume, c'est à l'univers d'Harry Potter que renvoyait souvent Seanan McGuire, avec des clins d'œil à Peter Pan, c'est cette fois-ci clairement du côté d'Alice au Pays des Merveilles, et plus encore du conte, que nous entraîne l'auteure. Au conte, le roman emprunte ainsi sa structure, ses péripéties classiques et ses figures obligées, mais aussi un certain rythme, fait de répétitions, de boucles et d'adresses fréquentes au lecteur/spectateur. On a peine à ne pas imaginer ce récit comme conté au coin d'un feu, devant un public conquis, et il ferait merveille dans ce contexte. Personnages archétypaux mais particulièrement attachants, Jack & Jill (dont les simples prénoms sonnent comme une ritournelle), sont comme une Alice, cherchant à trouver leur place de l'autre côté du miroir, dans un monde aux règles étranges qu'elles finissent par apprécier, au point, comme les autres enfants indociles de l'Institut West, de voir leur retour au quotidien comme un déchirement. S'il n'a pas raflé la moisson de récompenses des Portes perdues, De brindilles et d'os, porté par une écriture vive et allègre, est pourtant encore plus réussi, l'un de ces rares "contes pour adultes", sombre et onirique, qui s'attache à piocher aux racines du conte et du merveilleux (comme par exemple Stardust de Neil Gaiman ou Lud-en-Brumes de Hope Miirrlees) pour réenchanter un monde qui a grandement besoin d'un peu de magie.
Citation
Il deviendrait vite monotone de narrer chaque instant, chaque heure de la vie des deux filles, l'une dans son château, l'autre dans son moulin, l'une dans de riches parures, l'autre drapée de haillons savamment rapiécés : celà deviendrait vite monotone, aussi ne nous concentrerons-nous pas dessus. Car nous ne sommes pas venus pour de la monotonie, n'est ce pas ? Non.