Contenu
Les Princes de Sambalpur
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Batlle
Paris : Folio, octobre 2021
410 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-292303-6
Coll. "Policier", 944
Danser le Sambalpur
Après L'Attaque du Calcutta-Darjeeling, Abir Mukherjee récidive avec Les Princes de Sambalpur, un roman policier historique classique qui nous emmène aux confins de l'Inde traditionnelle, dans les mystères des petits royaumes de l'entre-deux-guerres. On retrouve avec un certain plaisir le capitaine Wyndham de la police de Calcutta et le sergent Banerjee. Le premier est un ancien de Scotland Yard, qui a été blessé sur le front pendant la Première Guerre mondiale, et qui soigne ses blessures avec une addiction à l'opium. Le second doit composer avec le premier car il est beaucoup moins impétueux que lui, et surtout il n'est qu'un indigène. Sur le retour d'une réception avec le prince héritier de Sambalpur, leur voiture est victime d'un attentat prémédité semble-t-il avec beaucoup de soins. Le Prince est mortellement frappé, l'assassin en fuite, le capitaine Wyndham dépité, et le sergent Banerjee encore plus : le prince était l'un de ses camarades d'études. Les deux hommes vont embarquer dans un train spécial avec le cercueil du Prince pour présenter leurs condoléances au Maharadjah de Sambalpur, petit royaume de l'Orissa, qui a fait fortune avec ses mines de diamants, et ainsi continuer une enquête "officieuse" qui les a entretemps mené dans une chambre où un terroriste a été neutralisé trop tardivement pour débusquer des preuves menant au commanditaire.
C'est alors à une enquête classique que l'on a affaire. S'ajoutent la disparition d'un comptable britannique, la désinvolture d'un ambassadeur anglais, la venue d'un industriel, les rencontres avec les femmes du Maharadjah sous la surveillance d'un eunuque, et une escalade d'attentats, mais également une cour effrénée, la visite de temples, une chasse au tigre et des trombes d'eau. Le récit d'Abir Mukherjee est à mettre en comparaison avec ceux de Tarquin Hall, et avec une époque qui n'est pas sans rappeler les romans de Rudyard Kipling. Mais c'est aussi une intrigue machiavélique qui prend tout son sens à la fin du roman. Elle est très classique et logique, mais l'auteur nous embarque dans le même temps à la découverte de royaumes séculaires où la tradition, la religion et les coutumes servent d'apparat. Le capitaine Wyndham est un héros désabusé noirci par son addiction, qui est pointée autrement du doigt que celle de Sherlock Holmes par le docteur Watson : les bouges clandestins, la mainmise d'une certaine pègre sur le trafic des opiacés sont clairement montrés. Abir Mukherjee a réussi à donner vie à un personnage contrasté, emprunté par son éducation occidentale (il est amoureux fou d'une femme métis rencontrée dans le premier roman, et qu'il a blessée moralement, alors il cherche vainement à reconquérir son cœur) et qui ne sait où se placer sur l'échiquier diplomatique (il risque de faire du vice-roi un ennemi implacable ; il est déjà une cible sur patte des services secrets anglais) car il cherche LA vérité. Dans ce deuxième roman, il découvre les coulisses du palais avec des intrigues et des manipulations terribles, et surtout il apprend qui détient les ficelles du pouvoir. Les Princes de Sambalpur est une enquête dans un monde implacable, et la lecture de ce roman d'Abir Mukherjee est captivante de par son univers, sa noirceur et ce qu'elle dépeint d'un monde en mutation.
Citation
M. Carmichael a reçu des ordres de Delhi exigeant que le capitaine Wyndham retourne immédiatement à Calcutta. Heureusement, en raison d'une erreur administrative, les ordres ont été reçus de l'ISC et non de la police. M. Carmichael a demandé une explication à ses supérieurs. En attendant qu'il la reçoive, le capitaine est libre de rester ici à Sambalpur...