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Un cowboy à Paris
C'est dans sa riche demeure du quartier de l'Upper East Side, à New York, en 1998, que James Harding demande à son ami Samuel Sullivan, détective privé et ancien de la Pinkerton, de renouer avec son ex-femme et leurs deux enfants partis vivre à Paris. L'homme est en train de mourir, et la bataille pour sa succession est lancée chez ses partenaires et associés. Il souhaiterait que ses enfants ne ressortent pas floués de l'histoire. Samuel Sullivan, ami par ailleurs de Georges Clemenceau, débarque donc à Paris pour découvrir l'atmosphère antisémite qui se dégage de l'affaire Dreyfus et constater que les deux enfants – William et Emily -, sont à l'image de la fracture de la France. Le premier traine avec des bouchers des abattoirs de La Villette, qui servent de nervis aux mouvements politiques d'extrême-droite ; la seconde s'est amourachée de Michel Katz, un jeune peintre juif. Retrouver les deux enfants et leur mère est très facile. Bien plus que de les convaincre de retourner outre-Atlantique. Surtout qu'à peine arrivé, le détective doit faire face à l'enlèvement d'Emily. Il part donc enquêter dans les bas-quartiers d'une ville qui sombre peu à peu dans l'insurrection alors que dans ses entrailles le Mal rôde. Mais Samuel Sullivan a combattu les Apaches dans l'Ouest sauvage, alors ce ne sont pas ceux de Paris qui vont lui faire peur. L'homme est prompt à dégainer son arme, un Colt Bisley, solide et précis, qu'il préfère au nouveau Smith & Wesson modèle Schoefield, et à se jeter dans la bataille. De leur côté, les enfants de James Harding ont de qui tenir et n'entendent pas s'en laisser compter. Mais c'est peut-être justement sans compter sur les machinations politiques.
Après une odyssée historique russe avec Les Vents barbares, Philippe Chlous propose une immersion française à une époque qui interpelle et de nombreux auteurs et d'encore plus nombreux lecteurs. Plonger dans Paris en 1898, en pleine affaire Dreyfus, dans une France aux idéaux décomplexés, est quelque chose d'étonnant pour peu que l'auteur ait du talent. Et Philippe Chlous sait à la fois nous embarquer dans une histoire et nous la raconter à travers le prisme de la grande Histoire avec des personnages fictifs attachants qui côtoient d'autres plus réels (comme Marcel Proust et, évidemment, Émile Zola, qui vient d'écrire son "J'accuse" dans L'Aurore, un article qui met le feu aux poudres). L'atmosphère est à l'image des ruelles c'est-à-dire sombre, crade et nauséabond. Pourtant, il se dégage également ce petit quelque chose euphorique. Car si la France est fracturée, et que l'on voit tous les aspects négatifs, il y a les autres. Dans une guerre idéologique fratricide plusieurs opinions s'opposent, et l'on assiste ici et là à des heurts avec des anarchistes. Et puis l'auteur nous fait découvrir les abattoirs de La Villette dont certains bouchers menés par "Le Buffle" ne font pas que parler le louchébem, l'argot de leur profession. Ils exportent en effet leur savoir-faire dans la rue à la poursuite des Dreyfusards bien aidés par les propos tenus dans La Libre parole d'Édouard Drumont. La résolution de l'intrigue, de l'enlèvement d'Emily, n'apparait alors que secondaire. Dans la lignée des romans historiques d'Hervé Le Corre, voici donc un roman qui apporte un éclairage particulier sur une époque déjà joliment abordée par Gwenaël Bulteau dans La République des faibles chez le même éditeur. Souhaitons-lui le même succès.
Citation
Il faut bien que jeunesse se passe. Cette affaire Dreyfus est mauvaise pour les affaires. Coupable ou non, il aurait été préférable de le fusiller, cela aurait calmé tout le monde.