Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par France-Marie Watkins
Paris : Archipoche, mai 2021
306 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-37735-469-6
Coll. "Archipoche"
Journaliste hard boiled
Quand Alan Stanwick propose au jeune drogué Fletch, qu'il a croisé sur la plage, de l'assassiner moyennant une récompense de cinquante mille dollars, il ne se doute absolument pas que le Fletch en question est un journaliste qui enquête sur un vaste réseau de stupéfiants, et qui cherche à remonter une filière et à débusquer qui en tire les ficelles. Voilà donc le personnage de Gregory McDonald qui se retrouve à mener deux enquêtes de front tout en composant avec sa rédaction. Le roman Fletch suit donc deux pistes parallèles qui ne vont pas se recouper. Pour le journaliste-enquêteur qui a accepté le contrat hautement rémunérateur, la question primordiale est de savoir qui est Alan Stanwick avant de comprendre si ses motivations sont réelles ou traitresses (bien sûr on comprendra qu'il n'entend pas exécuter le contrat). Alan Stanwick a invoqué un cancer en phase presque terminale. Or cet as de l'aviation, qui semble avoir tout réussi dans sa vie à commencer par un joli mariage avec une fille à papa, garde enfoui de nombreux secrets. Parallèlement, l'enquête que mène Fletch sur le trafic de drogue semble au point mort, Fletch n'arrivant pas à découvrir comment la drogue arrive sur la plage dans les mains du gros Sam, un dealer qui ne quitte jamais les lieux. Mais c'est là que tout va s'accélérer en même temps que Fletch va finir par comprendre les tenants et les aboutissants de ce trafic qui lui laisseront bien des souvenirs amers.
De Gregory Mcdonald, on se rappelle le très noir et moralement dévastateur Rafael, derniers jours (adapté au cinéma par Johnny Depp). Loin de la noirceur de ce qui est son dernier roman (un roman également unitaire) paru en 1991, Archipoche réédite la série des Fletch. Le personnage récurrent de Gregory McDonald (neuf aventures auxquelles on peut en rajouter deux menées par son fils) par bien des aspects ressemble à un privé – de ses rapports avec la police ou avec la pègre ; sa façon de mener ses enquêtes journalistiques. Et puis il y a cette indolence apparente qui se confronte à une obstination des plus butées. Surtout, il se retrouve à côtoyer des cadavres et à réagir dans ces cas-là comme un privé issu d'un roman hard boiled. Peut-être est-ce dû à son allure désabusée ou au cynisme des personnages qu'il croise. Dans ce premier roman, écrit en 1974 et récompensé d'un Edgar Allan Poe Award dans la catégorie "Meilleur premier roman d'un auteur américain", qui se lit d'une traite, le lecteur passe par différents états à mesure que la réalité qui s'installe devient plus noire. Si au début on est dans une fiction à l'ancienne où le crime revêt des atours de ce que l'on appellerait aujourd'hui cosy crime, le final sera lui des plus crus et sordides. Et c'est bien cette transformation lente et minutieuse dans le temps, cette mutation qui s'opère presque sans que l'on s'en rende compte (alors que l'on pourrait prendre le roman pour un honnête divertissement) qui confère à Fletch ce petit plus qui nous rend mélancolique.
Citation
Il avait du sang dans les cheveux. Des grains de sable s'y étaient collés. Durant la nuit, le sang, les cheveux et le sable durcirent et formèrent un abrasif presque utilisable.