Contenu
Poche
Inédit
Public averti
Paris : Zone 52, octobre 2022
166 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-4922-9708-3
Coll. "Collection Karnage"
Carnage à l'italienne
Milan, au mitan des années 1970. Les années de plomb. Alors que le pays se débat entre l'emprise de la mafia et les attentats terroristes des factions radicales, la ville est endeuillée par un sanguinaire tueur d'enfants. Le commissaire Morbidelli, incorruptible dans une institution vérolée, tente de l'empêcher de frapper à nouveau. Mais dans cette ville pourrie de l'intérieur, à qui peut-il bien faire confiance ? À sa hiérarchie prompte à l'envoyer sur des affaires sans importance ? À Marilù, la prostituée dont il est amoureux ? Aux Milanais eux-mêmes ?
Grand connaisseur des cinémas de genre, Julien Caldironi s'était déjà frotté, sous son ancienne identité (et non pseudonyme) de Julien Heylbroeck au gore, au catch mexicain et au grindhouse new-yorkais. Rien d'étonnant donc à ce qu'il rende hommage, avec Milano sanguina, à un autre genre déconsidéré du cinéma, le poliziotteschi, variante transalpine du film noir, qui y envahit les écrans dans les années 1970. Souvent décrit comme réactionnaire, voire fasciste, dans un pays en proie à une agitation politique radicale, les polars italiens de l'époque se posaient comme des réponses locales aux Inspecteur Harry et autres Justicier dans la ville produits outre-Atlantique. Et si une bonne partie de la production des poliziotteschi se révéla effectivement assez médiocre, il n'en reste pas moins qu'elle permit à des réalisateurs comme Fernando Di Leo, Umberto Lenzi ou Enzo Castellari de réaliser de formidables polars secs et acérés. Et c'est à ces réussites que l'on pense en lisant Milano sanguina, qui reprend avec affection toutes les figures imposées du genre : le policer intègre en proie à la corruption de la bonne société, la prostituée au grand cœur, les scènes de sexe gratuites et une violence exacerbée que Julien Caldironi n'hésite jamais à faire tomber dans le trash, sans oublier une démesure baroque qui en fait tout le charme. Admirateur sincère (il n'est qu'à consulter la playlist proposée en annexe pour s'en rendre compte), l'auteur n'oublie pourtant pas de marquer cette bonne série B de son style propre, que l'on retrouve dans sa manière de décrire sans fards les scènes les plus révoltantes et les dérives humaines les plus répugnantes en nous forçant à ne pas détourner les yeux. Sec, violent, outrancier et borderline, Milano sanguina est l'exact équivalent littéraire des meilleurs poliziotteschi, une lecture rapide qui entraîne tout sur son passage. Les lecteurs cinéphages et (forcément) de bon goût s'en délecteront.
Citation
Le légiste, accroupi dans les ordures, extirpe avec douceur et précaution le petit corps supplicié. Les poignets fins comme des allumettes sont marbrés de grêles lignes d'un rouge sombre, tirant parfois sur le marron : la trace des liens. Le visage... le visage, comme Morbidelli aimerait ne pas avoir à l'apercevoir.