Contenu
L'Enlèvement du Mardi-Gras
Grand format
Inédit
Tout public
340 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-35905-289-3
Coll. "Littérature française"
Nadiland libre !
Le titre lui-même de ce nouveau roman de Raphaël Confiant renvoie à un thème policier possible et il y aura dans l'intrigue d'autres idées liées au genre qui nous intéressent plus particulièrement, car il sera question de concussion, de mafias, d'argent blanchi, de fausses factures et de chantages. Le roman commence d'ailleurs par une femme qui se repose sur une balustrade à la chambre de son hôtel, et qui soudain glisse et tombe. Par chance (ou malheur), un commissaire qui passait par là a l'intuition, la vision d'un homme qui l'a poussée. Mais l'enquête ne pourra aboutir et le pousseur, Julien Valmont (version extrêmement dégradée de son illustre homonyme, peu capable d'amour et auteur de courriels moins stylés que les lettres des Liaisons dangereuses), profite de ses appuis politiques, intellectuels et franc-maçonniques pour envoyer le policier dans la lointaine Métropole. Car ce roman se situe dans une contrée imaginaire, le Nadiland, territoire français sans doute, mais éloigné de la Métropole, possédant ses propres codes et un certain sens de l'autonomie, pourvu d'un parti politique aux volontés autonomistes. Ce dépaysement où chacun pourra reconnaître certaines contrées qui font parfois l'actualité française est l'occasion d'un roman codé, à clefs, où l'auteur va donner libre cours à sa fantaisie, à son ironie et à une suite de messages codés sur la société "post-coloniale" des territoires ultramarins.
L'intrigue policière reste légère (l'enlèvement du titre n'est qu'anecdotique) et sert de support à une description drôle, entre Voltaire et Rabelais, qui dénonce la façon dont certains "colonisés" utilisent justement l'expérience coloniale comme excuse pour leur propre escroquerie, comme la façon dont un petit "pouvoir provincial" essaie de contrôler la situation locale, la manière dont peut s'étouffer une contestation, les luttes de pouvoir picrocholines. L'enlèvement devient un peu le symbole de cette anarchie : il s'agit en fait d'enlever durant un carnaval, où toutes les différences sociales sont abolies, la présidente d'une université qui vient de soulever des lièvres sur la gestion un peu chaotique de la faculté dont elle vient justement de prendre la tête, s'opposant ainsi à un directeur d'unité qui l'utilise pour son enrichissement personnel et accroître son pouvoir sur la dite recherche universitaire. Mais cet enlèvement est effectué par des gagne-petit qui gâchent leur mission et seront retrouvés morts.
Derrière l'histoire, Raphaël Confiant dresse une galerie de personnages hauts en couleur, drôles, émouvants ou pathétiques qui luttent pour leurs propres privilèges, avec le regard acéré de quelqu'un qui a sans doute vécu en partie les situations qu'il raconte, décrivant de l'autre côté, la façon dont les "victimes" d'une situation peuvent utiliser ce préjudice pour devenir à leur tour les gagnants sans honneur ni morale de ce renversement de situation. Une situation qui ne pouvait être évoqué que par l'un de leurs "frères", c'est-à-dire un universitaire, lui-même issu d'une minorité, ce qui évite des relents nauséabonds qui, de toute façon, sont balayés par les vagues d'humour qui secouent avec régularité le lecteur.
Citation
Il vient de défenestrer Bobonne. Ce geste moyenâgeux possède, il faut le reconnaître, un certain panache car de nos jours on balance plutôt une bouteille d'acide dans les yeux de celle qui vous a encornaillé.