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Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laura Derajinski
Paris : Gallmeister, janvier 2010
192 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 9782351780305
Coll. "Nature Writing"
Actualités
- 07/11 Festival: Livres en tête pour David Vann
- 04/06 Auteur: David Vann à la "une"
- 19/09 Prix littéraire: Prix Médicis 2010 : du noir à l'horizon ?
Le 3 novembre prochain sera décerné le prix Médicis. Le jury vient de dévoiler la liste des romans retenus dans sa première sélection. Le nom de ce prix, pour fameux qu'il soit, n'a a priori aucune affinité particulière avec la littérature que l'on scrute ici mais il se trouve que parfois les frontières entre noir et blanc, dans le domaine littéraire, s'estompent et les sélections de prix en sont les témoignages les plus tangibles. Ainsi donc voit-on figurer, dans la catégorie "romans étrangers" de cette première sélection médicéenne, Sukkwan Island, de David Vann (Gallmeister), et Orages ordinaires de William Boyd (Seuil coll. "Cadre vert") – une étrange histoire de meurtre et de tueur à gage traversée par un jeune climatologue forcé de fuir et d'évoluer "dans un Londres hors normes, peuplé de personnages fort inventifs face aux vicissitudes existentielles."
Le noir sortira-t-il lauré de cette compétition ?
Liens : David Vann - 16/06 Prix littéraire: Ils ont été récompensés...
- 16/06 Auteur: David Vann en signature
- 21/01 Librairie: Noirceur insulaire
Island in the snow
Un homme et son fils, seuls au milieu de la nature hostile d'une île en Alaska. Au début, on prend peur : un ersatz de La Route, une fuite désespérée sur fond de fin du monde avec, en prime, le développement des liens filiaux père-fils. Sauf que dans Sukkwan Island, la confrontation avec la nature est volontaire. La retraite dans une cabane perdue en Alaska est une idée du père, qui jusqu'à présent, ne voyait son fils que les week-ends. Une année entière rien que eux, à apprendre à se connaître entre parties de pêche, coupe et ramassage de bois, chasse aux cerfs et constructions de caches à nourriture. Profiter de l'été pour prendre ses marques, s'armer pour l'hiver, passer l'hiver et s'épanouir au printemps.
Sauf que, voilà, rien ne va évidemment se passer comme prévu. Le début de ce huis-clos est traité par le menu détails des tâches quotidiennes et nécessaires des deux personnages : trouver à manger, se chauffer, se préparer pour la baisse des températures. Le fils découvre avec effarement que le père n'est pas plus préparé que lui à cette aventure, qu'il ne sait pas tout, qu'il doute et qu'il peut se tromper. Leur première victoire : réussir tant bien que mal à scier des planches correctes pour un abri de bois est bien vite suivie par leur premier gros échec : être parti en vadrouille, laissant leur cabane, leurs vivres et leur équipement à la portée d'un ours qui va s'en donner à cœur joie dans la destruction du nécessaire de survie des protagonistes.
Le père et le fils s'en sortent, chutent et se relèvent, grappillent difficilement de petites victoires sur la nature ennemie, l'apprivoisent et le quotidien s'installe. On s'attend forcément à un retournement de situation, à quelque chose qui viendra casser ce rythme lent et méthodique, imperturbable de la narration descriptive. Oui, mais ce ne sera pas ce qu'on attend : pas de course poursuite avec des chasseurs autochtones, pas de révélation ascétique au pied d'un arbre, pas de retour prématuré à la civilisation, à l'école et à la vie de famille. La traque se fait entre le père et le fils, ce dernier contraint de subir, toutes les nuits, l'auto-psychanalyse que s'inflige son père dans le noir, l'amenant à des révélations sordides sur sa vie privée qui glacent son fils, impuissant. La course-poursuite se fait entre le père et sa propre rédemption, le fils face à ses propres incertitudes, déchiré entre son désir de s'échapper au plus vite de cet enfer familial et l'envie de rester aux côtés de ce père qui sombre. Ne sombrera pas celui que l'on attend, là encore. L'inattendu est fortement ménagé, dans Sukkwan Island, véritable drame sombre, sans échappatoire aussi bien physique que morale. Mais l'on referme le livre avec un goût amer, peut-être dû à une seconde partie – qui ne passe plus sur l'île – plus faible, où le nature writing ne tient plus la place prépondérante bien qu'elle soit toujours présente, et où l'on sent poindre une délectation de l'écriture et de la description moindre.
On en parle : L'Indic n°5
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Je crois que j'ai vécu trop longtemps au mauvais endroit