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Inédit
Tout public
Traduit du polonais par Kamil Barbarski, Erik Veaux
Paris : Rivages, mai 2023
666 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5913-4
Coll. "Noir"
Alcoolisme et corruption
Marcin Kania a commencé comme musicien dans un groupe rock polonais. Doué pour les compositions, il a signé un tube qui lui a permis de gagner beaucoup d'argent lui permettant d'acheter de nombreux appartements et d'avoir une vie de rentier. Marcin Kania a continué sa vie mais, devenu alcoolique, sa femme l'a chassé et ses deux enfants l'ont laissé tomber. Depuis, il vit dans l'un de ses appartements, passant son temps à lutter contre les problèmes de boisson, travaillant avec un groupe et un psychologue pour diminuer, voire supprimer sa dépendance. Pendant ce temps, la Pologne a quitté l'orbite communiste et un certain nombre d'escrocs ont profité de la situation pour s'emparer des richesses collectives. Entre autres, certains se sont proclamés propriétaires d'immeubles et en ont chassé, parfois de manière très violente, les anciens locataires. Des collectifs de personnes chassées essaient de faire valoir leurs droits mais c'est chose difficile dans un pays où la corruption est une manière de vivre. Toujours est-il que le fils de Marcin Kania est lui-même devenu ami avec une femme qui lutte pour les droits des petites gens. Un jour, il disparait et son père est inquiet. Que faire pour essayer de retrouver son fils puis pour le venger quand on retrouvera son corps pendu à un arbre, un cadavre que la police et la justice s'empressent de qualifier de suicidé ?
Jakub Zulczyk est un écrivain polonais qui a lui-même adapté pour une série diffusée sur Netflix ce roman (et également Éblouis par la nuit, un autre de ses romans qui sort en parallèle dans la collection de poche, mais cette fois pour HBO). Ce roman s'inspire d'affaires réelles qui ont eu lieu dans un grand nombre de pays ces dernières décennies dans les pays de l'Est visant à s'emparer des richesses publiques. Le récit est raconté à travers un personnage assez ambigu, qui oscille entre son alcoolisme, une volonté de s'en sortir, une relation amour/haine avec les membres de sa famille. Il survit grâce à un tube qui fait sourire ses amis et les bouteilles d'alcool qui encombrent ses journées. À l'intérieur de cette description rendue avec soin, entre des discussions avec d'autres alcooliques, des questions sur la disparition de son fils, puis l'enquête, l'intrigue est une longue descente où le personnage central s'aperçoit qu'il a raté un grand nombre de choses et qu'il a participé, par son comportement égocentrique, au malheur du monde. Le final, tout en nuance, renvoie chacun à ses propres responsabilités : nul besoin de complots, de mauvaises personnes, sauvages et violentes pour fabriquer l'horreur du monde, les volontés contradictoires de chacun y suffisent. Les scènes alcoolisées, les scènes où l'on lutte contre les addictions sont rendues avec une force qui laisse penser que l'auteur connait ce dont il parle. En tout cas, le lecteur finit avec la même gueule de bois que les acteurs du drame, au sein d'un roman fort et prenant.
Citation
J'ai rêvé que je buvais. J'étais au milieu de la rue, devant un centre commercial, nu comme un ver, même si ça n'avait en fait là pas trop d'importance. Les autres ne le voyaient pas, et ça ne le faisait ni chaud ni froid. J'étais tout simplement à boire dans un verre avec des glaçons une vodka Wyborowa, de la meilleure, qualité export.