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Les mêmes qui luttent et qui souffrent
Nous sommes à la fin des années 1860. Francine V. est une jeune fille provinciale qui est envoyée à Paris pour devenir bonne à tout faire. Ce qu'elle ne sait pas c'est que son patron, qui vient la rejoindre dans son lit, n'est en fait qu'un rabatteur pour les bordels de la capitale. Il l'offre tout d'abord à des clients de son bar et espère qu'elle montrera des dispositions pour l'art de la prostitution. Mais ce n'est pas le cas et Francine V. décide de savoir qui se cache derrière le réseau qui s'occupe d'elle. C'est alors qu'elle est démasquée et doit se cacher. Heureusement, d'une part, elle rencontre des réseaux féministes de l'époque qui vont l'aider et, d'autre part, la guerre de 1870 puis la Commune vont lui permettre de s'émanciper. Elle rassemble toutes les informations et entend écrire un long article pour Jules Vallès. Mais le réseau a ses informateurs y compris au sein des communards et le chef du réseau envoie des militaires versaillais pour la liquider. Il lui faut donc encore prendre la fuite et la meilleure destination reste le Nouveau monde. Là, les aventures de Francine V. vont prendre un autre tournant.
Le roman de Lilian Bathelot débute avec ce départ aux États-Unis et les essais d'écriture de Francine V. à la fois pour raconter son voyage américain et pour revenir sur son passé. Ce sont ces deux manuscrits qui vont alterner pour composer l'essentiel du roman que nous avons sous les yeux et qui sont découverts par un certain Dezba Asdzsani, spécialiste des cultures amérindiennes. Dans les derniers chapitres, Francine V. reviendra en France. Après s'être documenté avec soin, Lilian Bathelot nous offre donc un roman historique, mâtiné de polar et de féminisme (plus que le féminisme même puisque la partie américaine montre comment Francine va découvrir chez les Indiens des sœurs d'infortune - en ce sens elles sont plus logiques qu'un certain nombre de communards qui vont être déportés en Nouvelle-Calédonie où ils deviendront des colonisateurs ne comprenant pas forcément l'exploitation des populations indigènes mais y participant). Toujours est-il que le mélange entre aventures et courses-poursuites bien dans la veine du roman feuilleton, qui fonctionne à haute dose dans ces années-là, est rythmé et plaisant à lire. La description des premières théories et pratiques des mouvements féministes et gauchistes est rendue avec soin et montre bien l'effervescence de ces années. Les deux parties - l'enquête sur la prostitution et la vie dans le Far West avec ses violences et son évocation de la lutte des amérindiens pour leurs droits -, s'équilibrent et se répondent sur le sort fait aux minorités. Le tout est plaisant à lire, animé et rapide, en ne négligeant jamais l'arrière-plan historique. Il apparait donc logique que ce titre soit dans la sélection pour le prix Polar+ du roman noir historique.
Citation
Macalay était l'un de ces bourgeois qui, épousant la cause des insurgés, n'avaient pas fui la ville à la suite du gouvernement versaillais. Il avait même été élu délégué de son arrondissement au Conseil de la Commune. Aussi, la première pensée qui courut en ville fut que ce crime était lié à ses activités politiques et nécessairement commis par quelque agent de la réaction.