L'Assommoir

Je les ai laissé finir une première partie de billard, puis j'ai tiré le rideau qui bouclait l'entrée de la salle et posé ma carte (de police) sur le tapis. Ils l'ont regardé en éclatant de rire. Ça n'arrive jamais à Bruce Willis.
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jeudi 21 novembre

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Bande dessinée - Noir

L'Assommoir

Social - Urbain - Domestique MAJ samedi 16 décembre 2023

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Mathieu Solal & Xavier Bernoud (scénario), Emmanuel Moynot (dessin)
Scénario adapté de l'œuvre de Émile Zola
Chantal Quillec (coloriste)
Paris : Les Arènes, septembre 2022
184 p. ; illustrations en couleur ; 28 x 20 cm
ISBN 979-10-375-0692-4
Coll. "Les Arènes BD"

Zola contemporain

Adaptation fidèle dans l'esprit et transposition contemporaine du roman d'Émile Zola, L'Assommoir est une bande dessinée sociale, noire et cruelle qui nous raconte la descente infernale de Gervaise, une jeune femme fraîchement arrivée à Paris, qui tente de s'en sortir au milieu de trois hommes tous différents, dont deux éminemment toxiques, qui fait les mauvais choix que la vie lui impose et qui finit par devenir ce qu'elle abhorre. Le scénario de Mathieu Solal et de Xavier Bernoud est intelligemment mené et montre à quel point le roman de Zola est atemporel et universel. Au début de leur intrigue, Gervaise accumule deux boulots pour tenter de se sortir de la galère de la précarité. Elle est esthéticienne à la chaîne en semaine et hôtesse d'accueil le week-end. Mais à l'appartement, son couple bat de l'aile. Damien ne travaille pas, dit qu'il cherche, mais finit par la quitter pour une autre femme, la laissant esseulée avec deux enfants qui commencent à faire des leurs à l'école. C'est alors qu'elle se laisse convaincre par João, un voisin d'origine portugaise, qui livre des plats à domicile à vélo. L'histoire pourrait rebondir heureusement, d'autant que Gervaise tombe enceinte de la petite Nana, mais un soir de grande pluie, João se fait renverser par une voiture. Sa rééducation prend du temps, et lui tombe dans une apathie amplifiée par les beuveries avec ses soulards d'amis à L'Assommoir. Et puis il y a Jonas, qui tient une salle de boxe, qui prend sous son aile son aîné, qui est amoureux transi de Gervaise, qui lui avance de quoi monter son propre institut de beauté. Mais João, puis Damien de retour, vont entraîner avec eux Gervaise dans une spirale destructrice, et Nana va finir par fuguer pour se retrouver à la rue.

Dès les premières pages, Emmanuel Moynot nous plonge dans ce qu'il aime : un univers urbain nocturne où le danger guette. Ce danger est ici accru par la présence à la fenêtre d'un appartement de Gervaise, silhouette fine en petite culotte, qui attend le retour de son homme. Surtout, à mesure que les pages défilent, que les écueils se multiplient, que Gervaise est touchée moralement, sa silhouette évolue, s'empâte. Elle finira bien par retrouver sa ligne du début mais alors pour de mauvaises raisons. Mais dans l'intervalle, preuve s'il en fallait de l'atemporalité du roman d'Émile Zola, Mathieu Solal et Xavier Bernoud abordent des thèmes contemporains : la vacuité de certains boulots (coach en développement), l'irruption de la télé et d'Internet, la propagation du complotisme (ici vu à travers le prisme d'une pauvreté en colère), les méfaits terribles du consumérisme et le cercle vicieux de l'endettement, les violences faites aux femmes et le manque cruel d'écoute chez les forces de l'ordre. Et puis, histoire de nous replonger dans Zola, les auteurs chapitrent leur récit avec des intercalaires où ils reprennent des extraits originaux du roman. Et le dessin d'Emmanuel Moynot sied très bien à cet univers noir. On se rappelle qu'il avait prolongé les aventures de Nestor Burma déjà adaptées par Tardi, qu'il avait proposé une magnifique dérive sanglante dans No direction (qui pourrait être le slogan de Gervaise) et qu'il avait dessiné Noir, un diptyque tout aussi cruel. Il y a de la rondeur et de l'angle dans son dessin, et un amour profond pout la littérature populaire qui s'intéresse au peuple. En cela, le travail des trois compères est une jolie réussite.

Illustration intérieure


Citation

Quand elle sortait de la chambre de Lantier, elle se lavait les mains et se frottait les épaules à les écorcher comme pour enlever son ordure. Elle aurait voulu changer de peau en changeant d'homme. Mais lentement, elle s'accoutumait. C'était trop fatigant de se débarbouiller chaque fois.

Rédacteur: Julien Védrenne samedi 16 décembre 2023
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