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Noir d'Espagne
1949. Elle s'appelle Pétronille B. et vit sous la dictature franquiste avec Francisco, son mari, et ses filles Antonia, Carmen et Joséphine. Et en ce 8 janvier, elle meurt à vingt-huit ans d'une otite tournant en mastoïdite. Fin d'une anonyme dont l'Histoire ne retiendra rien. Sauf que Pétronille est toujours là, à observer ceux qu'elle aime et Francisco, qui a promis sur son lit de mort qu'il protégerait leurs filles. Et pourtant, il se retrouve sans travail... Seule solution, donner les deux plus petites à l'orphelinat en attendant de se refaire et partir aux Baléares avec Joséphine en quête d'un emploi. Pendant que leur père s'use le dos sur des chantiers, Antonia et Carmen vont connaître les brimades et les mauvais traitements des sœurs, et pire encore. Car l'orphelinat cache un odieux trafic d'enfants... et ce n'est que le début. Il y a ceux qui partent avec la sévère Madame Magnus pour une soirée avec de beaux messieurs et de belles dames, et qui n'en reviennent jamais. Ce qui va entraîner une des pensionnaires à rendre justice de la plus horrible des façons...
À k-libre, on avait adoré Rampants des villes, le premier roman de Léo Betti, véritable électrochoc et concentré de noirceur. Si ce livre racontait une histoire relativement simple, uniquement basée sur les "flots de conscience" chers à James Joyce, ici, les personnages sont plus multiples. Nul doute qu'un tâcheron syndiqué aurait pu en tirer une de ces "sagas familiales" interminables, mais l'auteur garde son style, immersif, hypnotique même, faussement simple où chaque mot trouve sa place et cause un maximum d'impact avec une précision de sniper. Si une forme de fantastique est convoquée avec cette vision post-mortem, c'est pour dire des choses justes sur la vie, l'amour, la mort et le temps qui passe avec une mélancolie qui évoque l'étonnant film A Ghost Story, qui lui aussi renonçait à un récit linéaire, préférant la méditation poétique. Et lorsque l'horreur est convoquée, c'est toujours en demi-teinte, sans grandes orgues, ce qui la rend plus présente encore. Comme on l'a dit pour Rampants des villes, il y a mille fois plus de littérature dans ces 170 pages que dans bien des pavé à la mode qui, eux, bénéficieront d'une exposition médiatique. Il serait peut-être temps de découvrir l'une des plus grandes plumes francophones actuelles...
Citation
Le remords dans les yeux de la sœur ne se voit pas. Les yeux sont froids, presque vides. Des yeux éteints. Le serpent en elle. Seules quelques légères contractions musculaires de la paupière gauche trahissent l'émotion restante, résiduelle.