L'Affaire du siècle : l'enlèvement qui a bouleversé l'Amérique

Au sein des 'services spéciaux', formule se référant aux atouts spécifiques de la DGSE - clandestinité, illégalité, action extérieure- la part d'opacité de l'État demeure, tant bien que mal, adaptée aux contraintes du monde moderne. Paradoxalement, la dissimulation n'est plus vraiment de mise. Bien sûr, la DGSE ne révèle rien de ce qu'elle se trouve en mesure de cacher.
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Roman - Policier

L'Affaire du siècle : l'enlèvement qui a bouleversé l'Amérique

Historique - Enlèvement - Faits divers MAJ mardi 10 septembre 2024

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8,9 €

Mariah Fredericks
The Lindbergh Nanny - 2022
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Corinne Derblum
Paris : 10-18, septembre 2024
452 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-264-08359-3
Coll. "Polar", 5992

Gosford Park tragique

Le 1er mars 1932, le nourrisson de Charles Lindbergh et d'Ann Morrow, âgé de vingt mois, est enlevé contre une rançon. Son corps sera découvert quelques temps après. Il s'agit d'un des faits divers les plus marquants des années 1930, voire du siècle dernier. L'aviateur Charles Lindbergh étant à l'époque une célébrité pour avoir traversé seul, pilotant son avion durant 33 heures, l'Atlantique. Mariah Fredericks, à partir d'une documentation très riche, apporte sa pierre à l'édifiant édifice, en changeant quelque peu la focale à travers un roman, vaste fresque sociale, qui s'appuie sur le personnage de Betty Gow, la nourrice de Charles Augustus Lindbergh Jr. Et il faut bien l'avouer cette jeune femme écossaise qui a traversé l'Atlantique pour rejoindre un petit ami indélicat est éminemment romanesque.

Mariah Fredericks s'intéresse au drame de l'intérieur. Un peu à la manière d'un Gosford Park, elle nous plonge dans l'univers riche en couleurs des domestiques (origines européennes, amours, alcool, jeux, destins et rêves brisés...). Il faut dire que le couple a de l'argent. La belle-famille sénatoriale de Lindbergh dans sa riche propriété héberge entre vingt et trente domestiques. Dans leur future maison, moins bien gardée, les Lindbergh n'auront qu'un couple (les Whateley) et la nourrice. Les deux tiers de L'Affaire du siècle se réduisent au quotidien de Betty Gow. Son arrivée dans le sérail, le lien qui se crée avec l'enfant. Elle dépeint un couple Lindbergh distant, obnubilé par son envie de voyager. Elle aborde les thèses repoussantes de Charles Lindberg. Surtout elle campe un nourrisson qui est élevé seul avec des injonctions paternelles (un lever quotidien à vingt-deux heures pour aller aux toilettes n'est qu'un exemple, et l'on passe sous silence la farce de la première disparition). Pendant ce temps, on assiste à la danse des domestiques. On observe leurs différentes personnalités. Cet aspect saga domestique est assez jouissif. Mais ce qui nous attend par la suite tient d'une toute autre danse : celle des flics qui débarquent et mettent un sacré bordel. On passe de la saga sociale à la saga des mœurs vite condamnables. Et là, la violence est au rendez-vous - l'interrogatoire de Betty Gow est un exemple flagrant et marquant : elle est venue pour retrouver un homme qu'elle a fini par quitter, elle a un homonyme qui pourrait être son frère et qui est gangster, la police l'a rencontrée un soir sur un chemin de traverse dans une situation hautement compromettante. La police aura des pistes. Les corbeaux et autres malfaisants lanceront d'autres pistes. Un homme, Hauptmann, forcément d'origine allemande, sera arrêté en possession de billets de la rançon numérotés. Mais pour tout le monde, il manquera le complice à l'intérieur de la maison. Celui qui a donné l'emplacement de la chambre et l'heure pour opérer. Passé un moment de prétoire avec retour d'Écosse de Betty Gow pour témoigner, l'heure est venue pour la romancière de dévoiler sa thèse.

Après des pages d'introspection, où elle se place dans la tête de Betty Gow (lui donnant parfois des pensées plus "contemporaines"), Mariah Fredericks en arrive là où elle nous mène depuis le début. Une thèse simple qui n'a pourtant pas été très étayée par les autorités de l'époque si l'on en croit Mariah Fredericks. Il n'empêche qu'en plus de quatre cents pages, elle nous a emmenés à la découverte de ces domestiques attachants, meurtris et détruits dans un roman qui se termine de façon très mélancolique sans sombrer dans le mélo. Mis à part un talent d'écriture et un sens de l'intrigue, Mariah Fredericks sait aussi faire la part des choses entre la fiction et la non fiction. Les deux derniers chapitres de son roman sont en cela exemplaires, et fourmillent de lectures en anglais dans le texte intrigantes. Mais elle a aussi réussi son coup en tant que bonne romancière.

Citation

Les journaux continuent à m'appeler 'la fille'. Ce n'est pas une fille qui se tient en face de moi dans le miroir. Cette femme-là ne marche pas la tête basse, les lèvres maussades, le regard troublé quand elle lève les yeux. C'est une femme qui n'hésite pas à revenir. À témoigner. À se montrer et à déclarer : je ne suis pas la jolie nurse, ni la petite amie du matelot, ni la maîtresse de Scotty Gow, ni l'amante dupée désespérant de se marier, ni une femme capable de faire du mal au petit garçon qui s'appelait Beddy.

Rédacteur: Julien Védrenne mardi 10 septembre 2024
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