Contenu
Poche
Réédition
Tout public
560 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-38094-597-3
Coll. "Nouveau monde poche. Sang froid"
Retour sur les années 1930
Juste avant la Deuxième Guerre mondiale, alors que l'Espagne vit ses derniers instants de guerre civile, de vieux communistes (c'est-à-dire en URSS ceux qui ont fait la Révolution et sont maintenant disqualifiés par Staline) sont inquiets et se demandent quoi faire. L'un d'eux a même acheté un pistolet et hésite à s'en servir. Quelques jours plus tard, il prête le pistolet à un ami. Ce dernier se balade dans la rue et croise Toulaév, un apparatchik des nouveaux temps. Il lui tire dessus et l'abat. Ce mort va servir à une nouvelle répression des services secrets russes pour organiser une chasse à l'homme tout azimut. Elle touchera des anciens militants parfois oubliés, parfois éloignés du côté de la Sibérie, parfois des hommes montants mais qui gênent, ou qui n'ont pas forcément rempli leurs objectifs ou n'ont pas réussi leurs missions de liquidation des opposants dans les prisons espagnoles...
Le résumé est court car le roman de Victor Serge, de son vrai nom Viktor Lvovitch Kibaltchich (1890-1947), ne va pas suivre un personnage particulier mais va développer dans différents chapitres les divers protagonistes de cette chasse à l'homme et les méthodes de répression du stalinisme. Victor Serge qui a été l'un des opposants à Staline et qui a pu s'enfuir à temps, après avoir participé à l'aventure du bolchevisme, en connait les principaux rouages (peut-être même a-t-il participé à certains de ses "crimes"). Il a également signé un splendide Mémoires d'un révolutionnaire qui raconte sa vision en cette période. Avec ce roman, suite de chapitres indépendants, il montre comment se monte une rumeur, comment fonctionnent les services de répression, comment les juges peuvent inventer des preuves et pourquoi les victimes collaborent avec leurs bourreaux sans même que celui-ci soit obligé de les forcer (même si les familles des accusés font parfois l'effet de pressions). Paru initialement après guerre, le roman aurait pu démontrer, si besoin était, aux aveugles et partisans du totalitarisme soviétique (y compris parmi les intellectuels français) combien la révolution russe avait été dévoyée (même si certains historiens ont du mal à placer la date exacte où l'euphorie communiste est devenue une dictature imposante). Il a le mérite de reconstituer une époque complexe avec des moments forts et de revenir avec justesse sur la guerre d'Espagne où les Russes passèrent sans doute plus de temps à liquider les oppositions de gauche qu'à véritablement lutter contre l'adversaire franquiste, ce qui a peut-être l'air de continuer de nos jours dans certains milieux politiques français (et sans doute ailleurs, mais avouons que nous connaissons bien moins). En tout cas, à travers une intrigue romanesque forte et prenante, les rouages et mécanismes d'une oppression, d'une dictature, sont montrés avec soin.
Citation
Tu comprends, il y a toujours deux complots, le positif et le négatif, comment savoir lequel est celui des plus justes, lequel celui des plus coupables ? Comment savoir s'il faut avoir pitié, s'il faut être sans pitié ? Comment le saurions-nous alors que les hommes du pouvoir perdent eux-mêmes la tête, c'est évident ?