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Des jardins secrets remplis d'orties
Grand format
Inédit
Tout public
208 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-501-18374-1
Coll. "La Belle étoile"
Avancer quand tout te tire vers l'arrière
Nous sommes au Québec. Richard, un chauffeur routier, a l'impression d'avoir fait le tour de sa vie et décide de faire un break dans le prochain relais routier/motel qu'il rencontrera. Il arrive ainsi au Thank God, tenu par un patron violent et sa compagne/domestiques/esclave, Symone, qui cache les traces de coups qu'il lui inflige dès que le commerce va moins bien, et c'est malheureusement assez régulier. Alors qu'il se repose, Richard voit arriver Clara, elle aussi en pleine détresse, venant de plaquer son mari bourré d'argent et de préjugés, confit dans des petits trafics avec les politiciens locaux, pour découvrir une nouvelle vie. Les deux personnages dans leur banalité et leur côté bancal vont se reconnaitre et l'amour nait entre eux. Dans ce coin de campagne, alors que la neige tombe, ils regardent attendris une biche et son faon venus manger les restes dans les poubelles du motel. Le patron lui se met à l'affut pour les abattre et constituer ainsi son repas de Noël. Entre les femmes battues, les animaux maltraités, et là aussi l'odeur des choses louches (le patron semble pouvoir faire pression sur la police locale et quelques notables), le nouveau couple se dit qu'il pourrait rétablir un ordre plus humain.
Ce qui est important dans ce roman de Dominique Bertrand, c'est d'abord son côté noir, profondément sombre, avec ce qu'il faut de gouttes d'optimisme pour remonter le moral. Les deux personnages pourraient s'enfoncer dans le glauque, dans une dérive sexuelle dans leur chambre à l'écart du monde (ça commence mal avec un cri et le personnage masculin qui sort sur le pas de porte sans se souvenir d'être nu !). Mais à l'inverse, ce couple qu'il forme regarde les autres et décide de faire le bien autour de lui. Ensuite, c'est un style. Comme Chez Louis-Ferdinand Céline c'est du langage parlé reconstitué avec soin et très poétique. Qui plus est, l'auteur étant québécois, les expressions locales, les mots anglais vaguement francisés (ou pas) parsèment les dialogues et les phrases pour créer un exotisme de bon aloi, jamais forcé, comme coulant naturellement. Cela donne un coup de vent, de frais, décalant le motel sordide vers un lieu magique où passent des biches aux abois (qu'elles soient humaines ou animales). Aussi étrange que cela paraisse, le roman très noir dans ses thématiques s'éclaire et finit comme un feel good sans dévier de sa trajectoire revenant ainsi sur son titre oscillant entre les deux réalités : de magnifiques jardins parsemés d'orties urticantes.
Citation
Richard sort sur la terrasse enneigée et allume une cigarette. Son cœur se serre, ses yeux s'embuent. Quand même, se dit-il, ce qu'il en faut du talent et du courage pour réussir à créer de la joie là où il n'y avait autrefois que du chagrin.