Contenu
On a tiré sur Aragon
Grand format
Inédit
Tout public
444 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-8126-2646-3
Coll. "Noir"
La (nouvelle) conspiration
Viktor est un détective privé belge qui avait des parents communistes qui se sont illustrés durant la Deuxième Guerre mondiale. Lui-même, adolescent, a participé à sa manière mais il est le seul à avoir survécu. Devenu détective privé, par attachement sans doute aux séries noires qu'il dévore (et dont l'auteur a conservé une forme d'humour proche du cynisme), il vivote en cette année 1965 entre des enquêtes classiques et quelques "dépannages" pour le parti. Il vit surtout avec une belle jeune femme, patronne d'un club qui accueille à Bruxelles toute la jet-society et les musiciens de l'époque. Viktor pourra ainsi rencontrer Serge Gainsbourg et se saouler avec lui. Louis Aragon est venu en Belgique, notamment à Waterloo, pour voir le champ de bataille napoléonien et se souvenir de "sa" Deuxième Guerre mondiale afin de réécrire Les Communistes, un livre imposant qu'il entend améliorer. Alors qu'il visite les lieux, il est victime d'un attentat. Une balle, tirée par un vieux fusil d'assaut allemand (seraient-ce d'anciens nazis ?) passe à quelques centimètres de son visage. Il repart à Paris, laissant le parti communiste local désemparé. En effet, comment venger l'affront fait à ce grand homme ? La direction du parti engage Viktor afin de faire la lumière sur la tentative d'assassinat. Alors Viktor visite les lieux et semble avoir des doutes car il lui semble qu'il aurait fallu être un bien piètre tireur pour rater le grand écrivain... De nombreuses pistes s'ouvrent à lui. Mais des agents de l'Internationale communiste (qui connaissent le passé de Viktor obligé à un moment de trahir ses convictions et quelques camarades) le surveillent. La police secrète belge s'attache à ses pas pour remonter les filières clandestines du parti. Un écrivain collaborateur le rencontre pour lui annoncer qu'il va sortir un livre avec des preuves de la culpabilité des agents soviétiques dans la mort de Paul Nizan (écrivain communiste mort dans les combats de 1940 après avoir été considéré comme un traître car il ne voulait pas reconnaitre le pacte germano-communiste sur lequel son ami Louis Aragon a fermé les yeux). Comment trouver la vérité que tous s'ingénient à cacher et alors que sa relation amoureuse pourrait être mise en danger par les révélations des turpitudes du passé ?
Au départ, le roman de François Weerts s'ouvre comme une "Série noire" classique, une intrigue comme les affectionne Viktor. On a essayé de tuer un grand écrivain français. Puis, l'enquête, peu à peu, soulève des lièvres bien encombrants, des traîtres, des collabos, des gens au passé peu reluisant, des trahisons en tout genre, des maîtres espions qui ont un plan caché derrière le plan caché de leur ennemi et ce dernier s'ouvrant peut-être sur un autre complot. Entre deux cuites, deux virées dans les bars interlopes de la capitale belge, le personnage central se heurte à des faux semblants, entre polar maîtrisé et intrigue de guerre froide suintante et rendue avec soin, pour créer dans une atmosphère lourde et pesante, éclairée par les rappels à un écrivain et son double (car Nizan et Aragon sont comme deux faces d'une même médaille, autant dans le roman que dans la réalité telle que l'on peut l'appréhender), dans un univers où la littérature subtile doit jongler avec l'idéologie manichéenne, dans une brume qui vient de l'air marin, des vapeurs de bière ou de l'ambigüité de la condition humaine. Un roman fort et prenant !
Citation
Justement, s'il s'attardait au sommet de la Butte du Lion de Waterloo, c'était pour retrouver dans ce paysage les sensations d'alors. Elles restaient vives bien sûr, surtout celles de l'enfer de Dunkerque. Mais l'écrivain s'était fait une promesse, celle de reprendre tout son texte, de l'affiner, d'en supprimer les lourdeurs, d'en ôter les professions de foi trop militantes, de se libérer des mots d'ordre et des slogans visant à défendre une vérité absolue.