Nul ennemi comme un frère

Peu auparavant, à des milliers de kilomètres de Washington, dans l'enceinte de l'aéroport de Bagdad, neuf personnes venaient de trouver la mort. Comme Zeus déclenchant la foudre, le missile Hellfire tiré par un des trois drones supposés assurer la sécurité de l'aéroport avait éleva la température ambiante de plusieurs centaines de degrés en explosant en un éclair aveuglant.
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Roman - Noir

Nul ennemi comme un frère

Ethnologique - Historique - Terrorisme MAJ mercredi 05 mars 2025

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24,5 €

Frédéric Paulin
Paris : Agullo, août 2025
456 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-38246-113-6
Coll. "Agullo Noir"

Au pays du lait, du miel et du sang

Le 13 avril 1975, des militants palestiniens tirent sur des phalangistes chrétiens dans les rues de Beyrouth Est, attisant la colère de ces derniers, qui prennent pour cible un bus rempli de Palestiniens, combattants ou simple civils, faisant vingt-sept morts et déclenchant une série de représailles et de contre-attaques qui vont plonger le Liban dans une guerre civile meurtrière où vont s'affronter, dans un paysage politique en continuel bouleversement, Maronites, Chiites, Palestiniens, Druzes, mais également des forces d'intervention israéliennes, syriennes, américaines, italiennes ou françaises, à mesure que le conflit s'étend à toute la région. De ce "dimanche noir", comme on l'appelle au Liban, va naître près de cinquante ans d'une guerre jamais totalement résolue, dont on ressent encore les retombées aujourd'hui. Au sein de ce chaos se débattent la famille Nada, influente dynastie chrétienne, dont l'un des fils Michel, est envoyé en France pour "infiltrer" le RPR tandis que ses deux frères mènent la lutte armée sur place, le barbouze du SDECE Christian Dixneuf ou l'attaché d'ambassade Philippe Kellerman, plutôt proche du PS, mais aussi la juge antiterroriste Sandra Gagliago, chargée à Paris de mettre un terme aux attentats d'Action Directe, et quantité d'autres personnages aux destinées imbriquées dans une terrifiante descente aux enfers qui fera plus de soixante mille morts dans tous les camps en présence.

Frédéric Paulin, on l'a vu lors de ses précédents romans, n'aime rien tant que se confronter à l'histoire contemporaine la plus noire pour mieux y intégrer sa fiction, des années de plomb algériennes aux massacres du Rwanda, et c'est sans doute logique pour ce diplômé en sciences politiques et ancien professeur d'histoire. "Historiques", au sens qu'ils prennent pour cadre des événements réels, ses romans n'en sont pas moins d'authentiques romans noirs nourris de personnages forts, des protagonistes dont il plie et déplie le destin au gré des turbulences de l'Histoire, qui impose son rythme et sa dramaturgie propres. Premier volume d'une nouvelle trilogie consacrée à l'histoire récente du Liban, Nul ennemi comme un frère dessine ainsi une galerie de portraits que l'on suit avec passion, qui cherchent à survivre, à aimer, alors que tout explose autour d'eux.

Dense, évidemment, ce premier volet, qui s'attache aux années 1975-1983, montre bien que l'histoire libanaise n'est pas, comme on l'a souvent lu à l'époque, une simple affaire confessionnelle, mais implique des visées politiques, territoriales et financières importantes, de la part de ses voisins (Israël, Iran, Syrie, Irak...), mais également de la France ou des États-Unis et même d'un terrorisme devenu international où se mêle radicalisme pan-arabe et extrême gauche. Cette histoire complexe, Frédéric Paulin la rend, non pas simple, mais lisible, compréhensible, pour un lecteur patient qui croisera, selon son âge et son intérêt pour l'actualité, des noms connus (Bachir Gemayel, Abou Nidal, Charles Pasqua, François Mitterrand...), et ce n'est pas la moindre des qualités de ce récit foisonnant, haletant et kaléidoscopique mené de main de maître, qui parvient à se clore sur un terrible cliffhanger ouvrant la voie au deuxième volume Rares ceux qui échappèrent à la guerre, qui vient tout juste de paraître.

On l'a dit et redit, le roman noir n'est jamais plus indispensable que lorsqu'il éclaire les zones d'ombre du monde, expose les failles et les mensonges d'une forme de révisionnisme simplificateur et pousse ses lecteurs à s'interroger. À ce titre, Nul ennemi comme un frère est un roman majeur pour mieux comprendre les drames qui ensanglantent depuis des décennies le Moyen-Orient.

Citation

La salive dans la bouche de Nada est aussi épaisse que de la boue. Son cœur bat la chamade. Il devrait tenter de convaincre ses amis de ne pas commettre de folie. Ce n'est pas du meurtre de ces salopards dont il leur parlerait, il leur expliquerait que tuer ces salopards ouvrira la boîte de Pandore, et que de cette boîte s'échapperont des maux inimaginables pour le Liban. Mais il se tait.

Rédacteur: Jean-François Micard mercredi 05 mars 2025
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