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Michael Z. Lewin, un auteur américain méconnu qui a du chien
© D. R.
k-libre : Quel souvenir gardez-vous de Les Chiens sont mes amis, un roman que vous avez écrit il y a plus de quinze ans ?
Michael Z. Lewin : Tous mes livres sont importants pour moi, mais Les Chiens sont mes amis a une place particulière dans mon cœur, même après quinze ans. Notamment parce qu'il m'a demandé pas mal de documentation, mais aussi parce que l'histoire comporte deux niveaux. D'un côté, c'est l'histoire d'un SDF qui, contre toute attente, garde son optimisme. Mais aussi celle d'un homme dont le regard qu'il porte sur le monde dépend entièrement des récits qu'il entend et qu'il raconte. En ce sens, la vie de Jan Moro ressemble à la mienne, moi qui suis écrivain.
k-libre : Vous êtes un écrivain accompli, quel regard critique portez-vous sur Les Chiens sont mes amis ? Aujourd'hui, écririez-vous le même roman ?
Michael Z. Lewin : Lorsque je lis quelque chose de ma plume, j'ai toujours envie de changer des choses. Mais pour ce roman en particulier, je ne toucherais ni à l'essentiel du style, ni à l'histoire, quelles que soient les retouches que je pourrais faire. Par bien des aspects, c'est mon meilleur livre et j'en suis très fier.
k-libre : Quelles sont vos influences littéraires ? On pense à Donald Westlake, mais c'est un raccourci un peu facile...
Michael Z. Lewin : Bien que j'aie bien connu Don Westlake, je ne l'ai presque pas lu. Pour ce livre, mon influence majeure fut l'Américain Garrison Keillor et la romancière britannique Liza Cody, qui commence toujours par chercher le cœur d'un personnage et laisse l'histoire se développer d'elle-même.
k-libre : Jan Moro est un utopiste débonnaire mais également rusé. Il a de multiples personnalités. Quel aspect de vous avez-vous mis dans Jan Moro ?
Michael Z. Lewin : Tout ce qu'il est. Faites attention !
k-libre : Pourquoi ne pas avoir donné vie à Jan Moro dans d'autres romans alors même que vous n'avez pas hésité à le faire pour d'autres (Leroy Powder & Albert Samson) ?
Michael Z. Lewin : Après avoir terminé ce roman, je n'avais qu'une envie, en écrire un second. Mais mon éditeur américain et mon agent l'ont pris en grippe. Pourquoi ? Parce qu'il parlait d'un homme pauvre et sans éducation auquel ils ne pouvaient pas "s'identifier". Et malheureusement, je ne pouvais me permettre de les ignorer.
k-libre : Vous n'êtes malheureusement que peu traduit en France, pouvez-vous nous dire qui sont Leroy Powder et Albert Samson ?
Michael Z. Lewin : Merci, c'est très gentil à vous de dire ça ! La France a la réputation de prendre au sérieux les auteurs de polar — bien plus que les USA ou l'Angleterre — si bien que c'est toujours un plaisir de voir un de mes romans publié chez vous.
Powder et Samson, sont deux personnages de séries qui se passent à Indianapolis, au beau milieu des États-Unis, la ville où j'ai grandi. Powder est un policier entre deux âges perpétuellement mal luné qui veut tout remettre en ordre. Samson, mon premier personnage, est un privé introspectif qui, lui aussi, tient à ce que justice soit rendue. Chacun d'eux s'inspire de ses prédécesseurs dans la grande famille du polar, mais chacun est différent des stéréotypes de fiction. Par exemple, ni l'un, ni l'autre n'est violent de nature et Samson n'est même pas armé.
Ils sont les protagonistes de leurs propres romans, mais servent de personnages secondaires dans leurs aventures respectives et figurent tous les deux dans certains de mes autres romans situés à Indianapolis. Dont Les Chiens sont mes amis
k-libre : Vous avez écrit beaucoup de romans jusqu'au milieu des années 1990, et puis le rythme a beaucoup baissé. Pourquoi ? Ressentez-vous le besoin de vous réaliser autrement ?
Michael Z. Lewin : Ce qui a ralenti n'est pas mon rythme d'écriture, mais de publication. J'écris tous les jours, comme je le fais depuis maintenant plus de quarante ans. Néanmoins, aujourd'hui, mes enfants sont adultes et indépendants, si bien que je n'ai plus d'autre bouche à nourrir que la mienne. Du coup, je n'ai pas à garder constamment un œil sur le marché pour écrire ce qui plaît aux éditeurs américains. Par exemple, mon dernier roman se passe en Angleterre pour se conclure en France. Peut-être sera-t-il publié un jour.
k-libre : Vous avez écrit de nombreuses nouvelles pour le Ellery Queen Mystery Magazine, entre autre. Quel plaisir prenez-vous dans les formes courtes ?
Michael Z. Lewin : J'aime écrire des nouvelles. Sans doute parce qu'elles ne me prennent pas un an, contrairement à un roman. Mais aussi parce qu'elles me permettent d'explorer des personnages, des voix et des situations qui ne conviendraient pas à un roman. Néanmoins, parfois, des nouvelles peuvent servir de point de départ pour un roman et, à d'autres occasions, je mets dans des nouvelles mes personnages de roman. J'écris toujours régulièrement pour Ellery Queen Mystery Magazine et Alfred Hitchcock Mystery Magazine. À chaque fois, les détails sont sur mon site.
k-libre : Vous avez écrit en 1984 Afternoon by the Pool, un document d'après votre rencontre avec Ross McDonald, un an après sa mort. Pouvez-vous nous parler de cet auteur, de ce qui vous attire chez lui, et aussi de vos rapports avec lui ?
Michael Z. Lewin : Lorsque j'ai commencé à écrire, l'œuvre de Ross MacDonald a été très importante pour moi. Je n'ai jamais prévu d'écrire des polars, mais j'aimais ceux de Ross MacDonald. C'était des romans policiers, mais ils racontaient également des histoires de familles, ce qui me plaisait bien. De plus, son style était littéraire, perspicace et précis.
Je l'ai rencontré après qu'il ait émis un commentaire très généreux sur mon deuxième roman (encore souvent reproduit sur les couvertures de mes livres). Je n'avais encore jamais rencontré un auteur de polars, mais lorsque je suis parti pour la Californie avec mes enfants pour voir ma mère, j'ai écrit à Ross MacDonald pour lui demander si je pouvais le rencontrer. Le résultat a été ce déjeuner au bord d'une piscine dont parle ce livre. Il était déjà malade, mais c'était agréable de rencontrer un de mes héros. On n'a presque pas parlé boutique, mais je lui ai demandé : "Est-ce que ça devient plus facile avec le temps ?", et il m'a répondu : "Non !". Et il avait raison.
k-libre : Enfin, vous êtes plutôt chien ou chat ?
Michael Z. Lewin : Ça devrait être une question facile, et pourtant non. Bien que, là où j'habite, je ne puisse avoir d'animaux de compagnie, j'admire l'indépendance et l'absence de sentiments des chats comme l'optimisme et la loyauté des chiens. Mais je crois qu'au final, je suis plus chiens. Et j'ai écrit un recueil d'histoires racontées par un chien que j'admire beaucoup !
Propos aimablement traduits par Thomas Bauduret
Liens : Michael Z. Lewin | Les Chiens sont mes amis Propos recueillis par Julien Védrenne